«Contractuellement, je suis tenu de citer au moins une fois dans mes concerts le nom de Christophe Honoré», déclare avec humour Alex Beaupain pendant son set à la Dynamo. «Pourtant, que je sache, il n’a jamais obtenu le César !».Celui qui a composé les bandes originales de Les chansons d’amour ou Les biens aimés est en effet intimement lié à ces films et à son réalisateur, à l’univers des jeunes trentenaires bobos des quartiers chics parisiens et à leurs atermoiements amoureux. Cliché des intérieurs du quartier Latin et des vestes en velours de Louis Garrel pour les uns, hymne générationnel en forme d’hommage à la Nouvelle Vague pour les autres, le cinéma de Christophe Honoré séduit ou irrite, sans demie mesure. Enervant ou élégant, mièvre ou bouleversant.
Ces épithètes s’appliquent aussi alternativement à la musique d’Alex Beaupain, indissociable des films de Christophe Honoré avec lesquels il est en totale adéquation. Normal, ce sont pour la plupart de véritables comédies musicales où les acteurs s’arrêtent de parler pour se mettre à chanter. Mais à y regarder de près, les films comme leur B.O. ne méritent pas d’avis aussi catégoriques ou caricaturaux. Dans Les chansons d’amour, par exemple, la frivolité et la légèreté de ton du début font très vite place à la perte et au deuil. Les chansons de Beaupain sont à l’identique : derrière la finesse et la douceur des arrangements et des mélodies se dissimulent les sentiments de mélancolie, de tristesse et de gravité. Dans son dernier album, Pourquoi battait mon cœur, il agrandit la sphère intime de ses morceaux pour aborder le thème politique avec un Au départ qui revisite trente ans de socialisme en trois minutes chrono.
«Nous sommes heureux de jouer ce soir dans la ville rose. Mais en 2001, quand vous élisiez Douste Blazy à la Mairie de Toulouse, c’était à Paris qu’avait lieu la véritable vague rose (faisant référence à l’élection de Bertrand Delanoë, NDLR). Mais vous vous êtes bien rattrapés depuis !». Alex Beaupain est très disert sur la scène de la Dynamo, alternant la chanson et le quasi stand up. Souvent drôle, il se montre charmeur (les groupies sont au premier rang et récitent toutes les paroles par cœur) tout en jouant de sa timidité. «Je me suis réveillé ce matin à Valence avec un œil comme ça. Ce soir je joue sans lentilles, j’ai besoin de lunettes pour vous voir», dit-il en sortant ses verres de la poche intérieure de sa veste et les y rangeant très vite, visiblement gêné d’avoir recours à cet accessoire. Malgré son excellent dernier opus qui mériterait de la faire sortir de sa relative confidentialité publique, la petite salle toulousaine n’est pas complète. «On a l’habitude de jouer devant des Zénith», déclare Beaupain. Non, la Dynamo est bien le lieu idéal pour lui, mélange d’intimité et de proximité, qui convient si bien à sa musique, qu’on ne l’imagine pas s’évader dans de grands espaces.
Le set se partage à parts quasi égales entre les titres de Pourquoi battait mon cœur et ceux de Les Chansons d’Amour, où ils sont interprétés par Louis Garrel et Ludivine Sagnier. Les écouter chantées par Beaupain se révèle un vrai régal, d’autant plus qu’il est entouré d’un groupe capable de restituer le travail d’orfèvre de la production studio. Il reprend aussi Pull Marine d’Isabelle Adjani, «comme ça, le spectateur ressortira du concert en se disant qu’il connaissait au moins une chanson !». Le choix est logique. Ecrit par Gainsbourg pour une actrice, ce titre inscrit Alex Beaupain dans une généalogie de la chanson française qui ne craint pas de flirter avec la variété, sans jamais se départir d’une qualité d’écriture ne trouvant d’équivalence que chez très peu de ses homologues.
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