L’histoire débute par notre arrivée au pied d’un énorme chapiteau jaune trônant fièrement dans l’enceinte de la Grainerie de Toulouse. L’objet volumineux est entouré par d’impressionnants semi-remorques et du haut de mon mètre 90, je me trouve assez minuscule, encadré par ces géants habillés de toile cirée. On sent alors la présence des artistes qui s’échauffent, les enfants trépignent d’impatience et d’autres – beaucoup plus grands – mangent bruyamment des crêpes accompagnées d’une bolée de cidre. C’est le cirque partout et la fête ici !
Nous entrons ensuite au coeur de la bête en plastique dont l’estomac peut avaler tout de même plus de 1 000 spectateurs. Les gens ne sont visiblement plus habitués au concept de gradin, une voix amplifiée nous en rappelle aimablement les règles : «veuillez apporter de la chaleur à votre voisin», alors les gens rigolent en se serrant… Il n’a pas encore commencé que le spectacle les rapproche déjà.
La lumière inonde alors une scène dépouillée et un grand tableau est retourné au fond de la scène. Il n’appartiendra pas aux artistes, jongleurs, ou musiciens du cirque Plume de retourner cette toile face à nos yeux affamés, mais plutôt de glisser à l’intérieur pour permettre aux spectateurs de la peindre à grands coups d’émotions vives et colorées.
Cet atelier du peintre nous invite au regard de la création sensible et poétique. Devant nous, la matière se transforme et prend vie entre les mains expertes et habiles d’artistes déjantés. Des bris de verre deviennent notes de musique, un acrobate léger et aérien anime une nature morte, un solo de polystyrène étrangement sonore déchire l’atmosphère du chapiteau et des ombres métalliques se livrent une bataille acharnée sur un écran de voile.
La lumière est déviée, projetée, réfléchie et malmenée. L’air, lui, se comprime, tremble, résonne puis chante.
Cette célébration des éléments picturaux et sonores trouve son équilibre entre suggestion et démonstration, à la frontière de l’expression artistique intimiste et de la performance circassienne grand public. Chacun peut y butiner son pollen favori, qui pour le burlesque décalé des deux clowns, qui pour le visuel grandiose de certains tableaux vivants ou d’autres encore – plus bricoleurs – pour ces formidables assemblages de fers, bois et plastiques appelés aussi décor.
Après plus de 25 ans d’existence, le cirque Plume nous livre un neuvième opus d’une qualité rare. Cet atelier du peintre nous prouve encore une fois qu’art populaire peut aussi rimer avec extraordinaire.
Note:
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