Lorsqu’un trésor caché de l’animation anglaise sort chez nous en première exploitation après avoir été ignoré pendant trente par les distributeurs, on ne pouvait pas rater l’occasion de le découvrir. Et quand l’un des deux seuls cinéma en France qui projettent le film se situe à deux pas de chez vous (l’Utopia Toulouse, pour ne pas le nommer), vous n’avez plus aucune excuse pour participer à l’événement !The plague dogs (puisque c’est de ce film dont on parle) est réalisé par Martin Rosen, auteur méconnu dans l’Hexagone, qui n’a que deux films à son actif, celui-ci, donc, et Watership Down (La grande parade, qui sortira en France à la fin de l’année), tous deux adaptés d’un auteur anglais, Richard Adams, tous deux sont des films animaliers. Mais si les chiens parlent dans The Plague Dogs, il faut tout de site oublier l’anthropomorphisme à la Disney, le film se situant aux antipodes de l’univers de l’oncle Walt. C’est une expérience violente, adulte, cruelle, sans concession, plus proche de Le tombeau des lucioles que de Rox et Rouky.
Dès la première scène, le ton est donné : nous sommes dans un laboratoire où des scientifiques se livrent à des expériences animales. Rowf est un labrador que les «blouses blanches» plongent dans une piscine pour éprouver ses capacités de résistance. Snitter est le cobaye d’une opération du cerveau sur le caractère objectif ou subjectif de la perception. Ceux qui ne supportent pas la cruauté animale auront du mal à tolérer ces premières minutes qu’elles jugeront sans doute insupportables : torture, souffrance, univers quasi concentrationnaire, cadavres de bêtes se faisant charrier à la pelle… La fuite des deux chiens, par l’incinérateur du laboratoire, aurait été l’argument d’une virée bucolique dans n’importe quel film pour enfants. Mais ici, le propos est tout autre, la nature n’est pas nourricière et protectrice, mais inhospitalière et sauvage et les deux compères devront revenir à leurs instincts de chasse et de prédation pour survivre dans un tel environnement.
Les décors de Lake District, région située au Nord de l’Angleterre qui rappelle la géographie de l’Ecosse, sont magnifiques, une lande montagneuse sèche et rocailleuse où les deux chiens vont apprendre à survivre dans leur quête d’un «maître» qui veuille bien les adopter. Mais la cohabitation avec les hommes est impossible, ceux-ci les poursuivant car ils les soupçonnent de véhiculer la rage. Les expériences de domesticité de Snitter se soldent systématiquement par des échecs malheureux : son propriétaire précédent se fait renverser par une voiture par sa faute et il déclenche la détente du fusil d’un paysan bienveillant qui le tue d’une balle en pleine tête. Le sang coule frontalement, sans aucun effet de dissimulation, celui des hommes, comme celui des charognes animales que les deux chiens dévorent à pleine dents pour se nourrir.
Les visages des humains ne sont jamais montrés, les plans sont cadrés à mi cuisse ou en dessous des têtes, la réconciliation entre les deux mondes semble impossible et contredit le vieil adage qui dit que le «chien est le meilleur ami de l’homme». The Plague Dogs n’est pas un conte idyllique et consensuel, le film avance au contraire doucement vers sa conclusion funeste, signifiée de façon poétique, sans pathos ou emphase mais triste et désespérée. Le film est évidemment déconseillé au plus jeune public qui pourrait être traumatisé par la manière dont le film prend en charge le thème de la cohabitation animale, qui lui est présenté habituellement sous une forme plus édulcorée. Loin de toute dysniaiserie, si The plague dogs s’adresse aux adultes, il n’est pas interdit que ceux-ci y aillent malgré tout de leur petite larme.
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