Pour sa deuxième édition et après le succès de l’an dernier, Le week-end des curiosités mise à nouveau sur une programmation mélangeant les têtes d’affiches et les découvertes. Le festival semble vouloir passer la vitesse supérieure avec des noms comme Zebda et Dyonisos, qu’on rencontrera sur toutes les routes de France cet été, mais qui sont les locomotives nécessaires pour guider le public vers des groupes comme Naive new beaters, Juveniles ou Sebastian. De ce point de vue, l’affiche semble équilibrée et suffisamment variée pour satisfaire les amateurs de musique festive, de rap, de hip-hop, de rock, d’electro et de techno. Avouons que pour un événement aussi jeune, le festival acquiert instantanément une dimension qui lui permet de faire jeu égal avec des rendez-vous installés de longue date et d’envisager de prendre encore de l’ampleur dans les années à venir.
Pour la première soirée, nous évitons la grande scène du Port où va jouer Zebda. Le groupe a déjà été programmé au festival Origines Contrôlées cet automne et donnera un concert gratuit sur les allées Jean-Jaurés le 14 juillet, même si la confirmation de l’événement est sans cesse repoussée pour ne pas nuire aux ventes de billets ce soir. Direction le Bikini, donc, pour une soirée dite des Curiosités telle que la salle nous en propose tout au long de l’année, à vocation défricheuse et à prix d’ami (5 euros l’entrée!). Ici, pas question de «tomber la chemise», c’est plutôt la fête aux hipsters ! C’est Noir Cœur qui ouvre la soirée, l’occasion de vérifier si le duo toulousain confirme la hype qui s’est emparée du groupe à l’occasion de la sortie de leur EP Jahnimal. Papiers dithyrambiques sur Magic et Les Inrocks Lab, signature chez le tourneur Super !, qui se définit comme une «agence d’épopées musicales» et possède dans son catalogue The XX et Bon Iver, rumeurs de prestations fiévreuses au Nouveau Casino de Paris dans le cadre du festival Fireworks… Noir Cœur affole déjà la sphère de ceux qui ne veulent pas passer à côté du next big thing.
Quand ils montent sur la scène du Bikini, Adrien Broué et Philippe Mousseigne sont encapuchonnés dans des chèches, tels deux nomades foulant de nouveaux territoires. Expérimentaux, audacieux et ambitieux, le duo explore un univers sonore à mi chemin du dubstep, de l’indie rock, de la pop psychédélique proche d’Animal Collective. Ils construisent des environnements sonores qui ont une grande puissance d’évocation, fondés la plupart du temps sur du down tempo, mais qui savent aussi s’enflammer quand la six cordes est de sortie ou quand les percussions orientent les morceaux vers l’expérience ethnique. Noir Cœur n’évite pas une certaine naïveté (le titre Soleil) et s’avère encore un peu jeune sur scène, parfois maladroit avec une attitude qui relève de la pause, on regrette aussi qu’il n’affirme pas en live l’identité visuelle développée dans ses vidéos, mais le groupe contient suffisamment de potentiel pour s’imposer comme une belle promesse. On n’attendra pas très longtemps avant de les revoir : ils assureront la première partie de XX, le 30 mai au Phare !
Le public est déjà conquis par Noir Cœur qui a ouvert la soirée d’une superbe manière, l’ambiance monte de plusieurs crans quand Hyphen Hyphen s’empare du Bikini, tel une tornade emportant tout sur son passage et reçoit un accueil qui se transforme très vite en véritable triomphe. Son premier EP intitulé Chewbacca I’m your mother ne pouvait pas laisser supposer à quel point la scène est l’élément naturel du groupe où il impose sa véritable identité, avec comme point d’orgue sa chanteuse, Santa. Elle déploie une telle énergie, avec une voix à la fois rock, soul et funk, que rien ne peut lui résister. A la fois d’une isolante efficacité, mais aussi d’une belle modestie, Hyphen Hyphen est le groupe français qui nous a le plus bluffés depuis le soir où nous avons découvert François & The Atlas Mountains en première partie d’Ana Calvi, l’automne dernier. On sait le succès que rencontrent aujourd’hui François Marry et les siens, à force de concerts et grâce à leur signature chez Domino. Il faudrait que Hyphen Hyphen s’impose de la même façon grâce à la scène, où son talent est indiscutable et qu’il soit soutenu par un label pour que le groupe connaisse la même trajectoire. C’est tout ce qu’on peut lui souhaiter.
Difficile de conclure une soirée qui a déjà atteint de tels sommets. Stuck in the sound n’est pour beaucoup plus une « curiosité » : déjà dix ans d’existence et un troisième album, Pursuit, sorti en janvier 2012 porté par Brother, un single d’une redoutable efficacité. Sur scène, le combo de José Reis Fontao alterne les compositions à l’énergie rock immédiate qui en font un excellent «groupe à guitare», et des ballades sur-produites sur lesquelles le chanteur fait la preuve de l’étendue de ses capacités vocales. Cependant, ce grand écart entre les intentions du rock indé et des ambitions mélodiques situées davantage du côté d’un rock FM mainstream est particulièrement casse gueule. On a la fâcheuse impression que Stuck in the sound hésite sans arrêt entre la fougue initiale des premiers albums et une volonté d’élargir leur univers musical vers un lyrisme maladroit et sans subtilité. On les laisse un peu paumés au milieu du guet, ne sachant s’ils se rêvent toujours Pavement et Pixies, ou s’ils s’imaginent remplir des stades à la Coldplay.
Note:
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Crédit photos : Frédéric RACKAY (tous droits réservés)