Trois ans déjà que The XX a créé l’événement avec son premier album éponyme. Un véritable phénomène, élu disque de l’année 2009 par une bonne partie de la presse spécialisée (Inrocks, NME) et qui tourne toujours régulièrement sur les platines, dont on ne se lasse pas, dont on n’a pas fini d’épuiser les merveilles sombres et belles. Le disque tient à une forme de miracle tant son équilibre repose sur des bases aussi aléatoires : quelques accords de guitare, des voix à peine susurrées noyées dans une production éthérée, la mélancolie adolescente, une absence de charisme austère associée à une imagerie gothique/emo. Et pourtant la magie opère, le minimalisme do it yourself produit des arrangements somptueux, qui invitent l’auditeur à se perdre dans un songe ouaté, comme au ralenti. Pour un coup d’essai, c’était un coup de maître, qui n’a pas à rougir de ses influences situées du côté de This Mortal Coil ou de Cocteau Twins.
Difficile pour un groupe ayant autant cristallisé (!) l’attention des médias et du public de donner un digne successeur à cette semonce inaugurale. Entre-temps, Jamie Smith, alias Jamie XX, producteur du premier opus et à qui l’on doit la programmation de la section rythmique n’a pas chômé : projets solos au sein du label Numbers, remixes pour Radiohead ou Gil Scott Heron, le jeune génie affirme ses goûts pour la musique électronique et devient même une signature incontournable et très courue. Quand The XX a annoncé avoir débuté l’enregistrement du nouveau LP à la fin de l’année dernière, Jamie XX s’est exprimé sur les orientations musicales du groupe. Il a confirmé avoir envie de travailler avec des outils de production (matériels et logiciels) minimalistes pour conserver une sonorité identique au premier album, et avoué que son successeur serait effectivement influencé par la musique de club.
Prévu pour une sortie à la rentrée 2012, on n’a encore rien entendu de ce deuxième album très attendu, si ce ne sont quelques démos postées sur le blog du groupe. Rien de tel, pour faire patienter les fans et monter la pression, qu’une tournée des festivals qui permet également aux musiciens de tester les nouveaux titres sur le public. The XX jouera ainsi dans quelques grands rassemblements européens cet été et en guise de warm up, a prévu des dates en salles : trois concerts londoniens dans des clubs minuscules avec un système de loterie pour décrocher son précieux billet, et deux dates en France : Bordeaux et Toulouse, ce soir, au Phare de Tournefeuille. La salle n’est pas pleine, mais tout de même bien garnie – la mise en vente a été tardive – la température est à son comble et l’attente est palpable quand Romy Madley Croft (guitare, voix), Oliver Sim (basse, voix) et Jamie XX (programmation, boîtes à rythme, percussions) entrent sur scène… Pour 70 minutes d’éternité !
Parmi la demi douzaine de nouveaux morceaux que le groupe dévoilera ce soir, une petite moitié, jouée en fin de set permet de vérifier les propos de Jamie XX sur l’orientation musicale du futur album. Mais si les beats sont bel et bien omniprésents sur Reunion et Sunset, deux titres qui n’en font qu’un, scindés au milieu par un break electro, la musique de The XX n’affolera pas encore les dance floors. On a plutôt l’impression d’entendre les rythmes comme filtrés à travers un prisme cotonneux de fin de soirée, un peu engourdis et sourds. L’influence de Jamie XX est certes déterminante mais ne vient cependant pas nuire à la cohésion globale du groupe. Les voix de Romy et Oliver se répondent toujours de belle manière sur Angels, sublime chanson qui ouvre le set, où les accords de guitare réverbérés créent un espace sonore vaste qui accueille aussi les silences. Après une version de Crystalised comme jouée au ralenti, Infinity installe une atmosphère quasi onirique, à la Twin Peaks. Le groupe joue en confiance, dans une pénombre presque totale, qui renforce le sentiment immersif et permet à Romy de profiter d’une réserve qui relève davantage de la timidité.
Quand les lumières se rallument après un peu plus d’une heure de concert, on a l’impression de se réveiller d’un rêve qu’on aurait voulu plus long. Mais de la même façon que la faculté des songes est aussi de suspendre le temps, de brouiller nos perceptions de la durée, la musique de The XX reste suspendue, se prolonge, nous suit, nous accompagne longtemps après. On n’a plus qu’une seule envie, dans un pur sentiment addictif : revoir le groupe, très vite pour revivre un tel moment. Heureusement, The XX joue le lendemain à Barcelone, au festival Primavera Sound : on y sera !
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