Cela fait quelque temps qu’on ne cesse de louer les qualités du cinéma fantastique espagnol, de par son inventivité, son audace et son absence de complexe. Il a produit autant de grands réalisateurs capables de renouveler les formes et d’imprimer une marque identifiable et durable que de suiveurs, de copistes ou de petits malins opportunistes. Il ne faut pas tomber dans le piège du dithyrambe inconditionnel, on a vu le meilleur comme le moins bon. C’est la loi du genre, avec pour les plus mauvais élèves, une fâcheuse tendance à vouloir se couler dans les figures imposées du genre, sans réussir à les transcender. Ce qu’on ne peut nier en revanche, c’est la capacité de ce cinéma à se donner les moyens de ses ambitions grâce à des structures de production – telles la Filmax – qui permettent une direction artistique de très haut niveau, parfois cache-misère d’un déficit d’inspiration, mais qui garantit les ventes à l’international.
Parmi cette vague de nouveaux talents, Jaume Balaguero est sans nul doute l’un de ses représentants les plus incontestables. Il s’est imposé avec REC et REC2, comme une figure incontournable du cinéma fantastique ibérique, en se jouant brillamment des règles du «documenteur», genre à la mode où la caméra subjective portée à l’épaule garantit une immersion totale et brouille les frontières entre la fiction et la réalité captée tel un reportage. Souvent mis à la disposition du cinéma d’horreur et fantastique – Paranormal activity, Cloverfield, Le dernier exorcisme, District 9 – le found footage est souvent mal utilisé quand il s’affranchit du point de vue, de la crédibilité des situations et de la lisibilité de l’action (la fâcheuse shaky cam et ses effets vomitifs). Jaume Balaguero a au contraire toujours su affirmer un vrai point de vue de mise en scène au sein de ce sous-genre ludique et hétéroclite, dont il a sans doute voulu s’extraire pour réaliser son «Grand film de la maturité».
Malveillance est l’histoire d’un concierge d’immeuble inapte au bonheur qui pour se soulager de son fardeau fait le mal autour de lui. De petites humiliations en manœuvres néfastes, il aime à pourrir la vie des habitants derrière un sourire fourbe et cajoleur. Avec un tel scénario, Jaume Balaguero situe clairement son film sous la double influence d’Alfred Hitchcock et Roman Polanski. Mais si Malveillance se voudrait pervers et malsain, il reste cependant très en surface, et passe totalement à côté du potentiel subversif du sujet. La capacité nocive des agissements de César – se dissimuler sous le lit d’une locataire pendant la nuit, déverser des légions de cafard dans un appartement, nourrir un chien à la digestion fragile avec de l’omelette aux patates – ne va pas assez loin pour en faire un personnage suffisamment inquiétant pour le spectateur.
Le film fonctionne comme un exercice de style assez luxueux mais qui au lieu de procurer une certaine forme d’angoisse n’invite qu’à un désintérêt poli, malgré un dernier acte qui heureusement s’accélère. Dans un retournement typiquement hitchcockien, le spectateur en vient à prendre fait et cause pour César, tout près d’être confondu. Mais le procédé est tellement convenu et le cynisme à ce point superficiel que le film échoue à convaincre. C’est d’autant plus dommage qu’il y avait-là matière à faire entrer dans ce décor une critique de la bourgeoisie espagnole et des injustices sociales. Il aurait pour cela fallu caractériser davantage les habitants de l’immeuble pour qu’ils ne soient pas réduits à de simples figures anecdotiques, mais occupent une véritable fonction au sein du récit. Résultat : au lieu d’installer un climat de malaise et d’insécurité, le film ne donne qu’à voir la conscience de son propre style, en pure perte.
Malveillance, disponible chez Wild Side Vidéo en dvd et blu-ray, a bénéficié d’un traitement de choix de la part de l’éditeur. La copie est somptueuse et exempte de défaut, la colorimétrie est respectée avec un rendu très cinéma. Le mixage audio est très naturel et discret, sans les effets artificiels souvent associés au cinéma d’horreur. Techniquement, c’est donc parfait, comme toujours chez Wilde Side qui soigne ses sorties. Du côté des suppléments, outre des scènes coupées et une interview du réalisateur, le making of s’attarde sur tous les aspects du tournage. Plus ou moins longuement d’ailleurs : d’une durée d’une vingtaine de minutes sur le dvd, il est proposé dans une forme non expurgée de 107 minutes sur le blu-ray : c’est plus long que le film, mais nul doute que l’exercice passionnera les amateurs.
Malveillance, disponible en dvd et en blu-ray (Wild Side Vidéo)
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