L’annonce de Shane Black à la tête du projet Iron Man 3 a pendant un certain temps fait fantasmer la geekosphère qui rêvait certainement de retrouver-là une certaine idées des actioners et des buddy movies des années 80. Pourtant, à la vision de la chose, on ne peut pas s’empêcher de penser que la patte pourtant caractéristique du scénariste de L’arme fatale et de Kiss Kiss Bang Bang fait pschitt, pas totalement inexistante, mais soumise à trop de contraintes au sein d’une production estampillée Marvel. On la retrouve toutefois, ponctuellement, sous forme d’auto-citations ou dans des motifs caractéristiques de ses scripts, notamment quand la formule du duo est convoquée, c’est à dire dans les scènes entre Tony Stark et le gamin – une manière de flatter tous les fanboys de la planète – ou quand Jon Favrau et Don Cheadle servent de sidekick à Robert Downey Jr. Pour le reste, il faudrait être de mauvaise foi ou très naïf pour croire que Shane Black pouvait faire plier à son avantage un blockbuster tel que celui-ci, d’autant plus que si le monsieur n’est pas manchot au stade de l’écriture, il est nettement moins à son aise quand il s’agit de piloter des scènes d’action certes spectaculaires – le budget se voit à l’écran, notamment au registre des effets spéciaux –, mais souvent illisibles et mal cadencées.
C’est d’ailleurs l’ensemble du récit qui est bancal dans Iron Man 3, à l’image du duel existentiel que mène Tony Stark dans son armure, le film hésite entre sa nature intrinsèque de pur entertainment et sa volonté affirmée de déconstruction du mythe du super-héros. Car le Batman de Nolan est passé par-là entre-temps, avec son modèle décliné à l’infini – James Bond en a fait les frais – qui dépossède les personnages de ses attributs, les affuble d’une névrose ou d’un trauma pour les déboulonner de leur piédestal afin de leur permettre de renaître à nouveau. L’époque n’est plus celle du justicier triomphant, mais plutôt celle d’une ère crépusculaire et noire où derrière les masques se jouent des psychoses liées à l’identité, la responsabilité, la starification, la virilité. Dans Iron Man 3, cela se résume à l’équation suivante : Tony Stark ne dort plus et se construit des armures comme des bulles qui le protègent. Hors de ces carapaces d’acier, il fait des crises d’angoisse qui compromettent sa relation amoureuse avec Pepper. D’un point de vue de la caractérisation du personnage, inutile d’avoir une licence de psychologie pour comprendre le malaise mais cela suffit visiblement à faire passer de manière un peu factice le film au stade du métrage de super-héros dit adulte, là où la majorité des spectateurs viendra chercher un divertissement décomplexé.
Pour le reste, Iron Man 3 n’est heureusement pas le mauvais bougre, c’est un spectacle relativement efficace et plaisant derrière ses carences en matière de scénario et son rythme inégal. Mais y compris dans ses bonnes idées – le retournement lié au personnage du Mandarin qui vaut quelques scènes assez hilarantes –, le film ne fait que ressasser des thématiques vues milles fois ailleurs – la médiatisation des idoles, la manipulation des masses, l’ennemi qui vient de l’intérieur, la naissance des méchants – certes moins schématiquement, mais quand même. Le problème avec Iron Man 3 est qu’il ne cesse d’envoyer des signaux contradictoires aux spectateurs. Il se voudrait adulte mais déroule son lot de punchlines plus ou moins vaseuses. Il s’appuie sur une psychologie a priori complexe, mais n’est qu’un véhicule pour le one man show prévisible de Robert Downey Jr. Il ne sait pas trousser ses scènes d’action pourtant attendues et qui échouent à trouver leur enjeux dramatique. Le modèle d’écriture de Shane Black n’évite jamais des béances gênantes dans le script et des raccourcis faciles. Au final, la déception est grande et il faudra laisser son cerveau en veille pour apprécier un spectacle non pas fait d’acier, mais de carton.
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