Apparemment, vous avez reçu du courrier ! Et il vient de l’autre côté de l’Atlantique. The Postal Service, plus connu par ici pour ses résultats (et affaires) au Tour de France avec notamment Lance Armstrong, a sorti il y a maintenant plusieurs semaines la réédition de son seul et unique album, Give Up, qui en 10 ans est devenu culte. Evidemment, USPS n’a rien à voir avec cet album. Il ne s’agit-là que d’un nom emprunté quelque peu unilatéralement, par deux personnes elles-mêmes issues d’un groupe formé chacun de son côté.
Nous avons-là Jimmy Tamborello, plus connu sous le nom de Dntel, auteur de plusieurs albums penchant vers l’indie électro, qui jouit d’une certaine renommée et Benjamin Gibbard, chanteur et multi musicien du très bon groupe Death Cab For Cutie, malheureusement trop peu connu en Europe, alors qu’il remplit les salles en Amérique. Preuve en est, lors de leur dernier passage à Toulouse, où la présence de The XX le même soir au Phare, avait laissé une salle du Bikini à moitié vide pour le concert de Death Cab For Cutie, qui fut pourtant probablement l’un des meilleurs de l’année 2012.
Mais revenons à notre sujet car l’histoire est amusante. A l’issue d’une collaboration sur un album de Dntel, les deux hommes ont eu envie de poursuivre l’aventure en créant ensemble. Séparés de plusieurs centaines de kilomètres, la Californie de Tamborello et le Seattle de Gibbard, c’est par courrier qu’ils échangèrent les maquettes de ce qui deviendra par la suite l’album de The Postal Service, donc. Internet n’avait pas encore complètement fait son œuvre…
Le travail fut donc de longue haleine, chacun travaillant sur son propre projet et sur les nouvelles chansons avant d’envoyer ces dernières au collègue pour qu’il les retravaille en même temps que son propre projet et de les renvoyer de nouveau à l’autre bout de la côte ouest. Bref, autant d’opportunités de se faire voler les copies, de les égarer, de les délaisser. Mais non, le projet arrivera bien à son terme et peut-être que cela renforce encore davantage la saveur de cette unique collaboration.
Give Up, rencontrera rapidement son public et la tournée qui s’en suivra sera un véritable succès, aussi bien en Amérique qu’en Europe. Et puis, voilà : chacun retournera à son histoire. Mais l’envie de recommencer n’a jamais vraiment disparu dans le duo. Porté par un succès qui ne se dément toujours pas à ce jour, par une base de fans qui continue à supporter The Postal Service et probablement par la nostalgie, les annonces des derniers mois promettant du nouveau pour les dix ans de l’album, créa des émois dont certains ont failli ne jamais revenir !
En 2006 déjà, ils avaient laissé entendre la mise en route de nouvelles chansons qu’on ne verra en réalité jamais venir. Et puis, ces derniers mois, il semblerait que The Postal Service ne fera que clôturer l’histoire en rééditant l’album et en proposant sur un deuxième CD, tout ce qu’ont pu faire en studio les deux hommes.
Fini le son en demi-teinte, fini le disque qui saute, fini la pochette écornée, voilà une nouvelle rondelle toute neuve, de meilleure qualité et avec les fameux bonus. Si l’on ne peutque se réjouir d’une telle nouvelle, il faut tout de même avouer qu’une remasterisation d’un album sorti dans les années 2000 relève quelque peu d’un luxe. D’autant plus que le CD bonus ne révèle que deux inédits.
Deux inédits d’ailleurs qui détonnent un peu par rapport à l’album original. On voit à quel point la musique et les deux artistes ont pu évoluer au cours de la décennie. Sans être foncièrement mauvais, ils n’en sont pas non plus exceptionnels et sont résolument plus électro notamment Turn Around, mais A Tattered Line Of String n’est pas en reste, lui qui démarre en trombe pour finir sur de l’indie électro pure, laissant souvent penser à Casiotone for the Painfully Alone. En plus, de ces inédits, on retrouvera des faces B, des raretés et deux reprises des excellents The Shins et Iron and Wine, titres issus d’un univers davantage pop folk.
The Postal Service reste aujourd’hui un groupe qui ravit les amateurs de musique et ceux qui continuent chaque jour à la découvrir. Les premiers sont fiers et heureux de pouvoir la faire connaître aux copains et les deuxièmes de tomber sur une pépite dont on sait qu’elle ne se présente rapidement plus si souvent que ça.
Comment rester insensible face à des chansons aussi imparables que The District Sleeps Alone Tonight, qui ouvre l’album de façon grandiose, laissant petit-à-petit l’auditeur entrer dans un style à part. C’est d’ailleurs cela qui fait la force de The Postal Service, cette rencontre entre l’electro de Dntel et la pop mélodieuse de Death Cab For Cutie. Véritable révolution en ce début des années 2000 marquées par le retour en force du rock à l’état pur avec en tête de liste The Whites Stripes et The Strokes.
Si ce n’était déjà fait avec le titre d’ouverture, le single de l’époque Such Great Heights finira par convaincre rapidement, grâce à une rythmique plus rapide et plus accessible.
Le chant de Benjamin Gibbard aussi est impressionnant de pureté et de justesse. Il maîtrise à la perfection et ce, depuis très longtemps maintenant, sa voix lui permettant de passer toutes les émotions imaginables sans pour autant se forcer.
A ce petit jeu, il est épaulé par Jenny Lewis, chanteuse de Rilo Kiley, qui remplit fort bien sa part du marché sur la chanson Nothing Better, autre très beau moment de l’album.
L’album enchaine les titres entre chansons douces comme Recycled Air ou Sleeping In et d’autres plus inquiétantes, comme This Place Is A Prison qui dévoile une ambiance plus sombre et débute une fin d’album plus torturée, voire agressive notamment avec <Naturel Anthem qui clôt quasiment l’album sur un mur de son assez autoritaire se rapprochant de Sonic Youth ou de My Bloody Valentine avant de s’apaiser quelques secondes et de finalement couper court.
Resteront de très bons moments dont We Will Become Silouhettes ou encore Brand New Colony, pour compléter un album quisans forcément être entré dans les charts ni avoir marqué plus que ça son temps, demeure toutefois essentiel. The Postal Service, parce que noyé dans la masse ou plutôt dans la musique de masse, aura fait son épiphénomène et avec comme tour de force réussi, à perdurer dans le temps sans céder aux sirènes de l’oubli. Beaucoup d’artistes aimeraient aujourd’hui connaître un tel plébiscite. The Postal service n’aura sûrement pas volé cette reconnaissance et même s’il l’entretient aujourd’hui avec cette réédition un poil opportuniste. Pouvoir les voir en concert de nouveau semble être une chance offerte à tous de vivre un moment à part.
Note: