D’après les autorités, il n’y avait qu’une poignée d’individus pour voir les Hot Snakes, un groupe obscur de San Diego. Nous on vous dira qu’on était plus de 300. Et encore on est gentil, parce qu’un punk galvanisé en vaut deux. Fait inaccoutumé, le signal d’alarme de l’établissement s’est mis à hurler comme un putois peu de temps avant que les musiciens montent sur scène. Le taulier semblait désemparé et incapable de résoudre le problème. Un message passait en boucle. Veuillez vous diriger vers l’issue de secours la plus proche. Coups de sirène et repeat un nombre incalculable de fois. Quelqu’un avait détecté de la fumée ? Un début d’incendie s’était déclaré dans les loges ? En fait on n’a pas mis longtemps à piger. Quand les Ricains ont balancé leurs premiers accords c’était comme des coups de lance-flammes sur les murs. Le feu est monté au plafond en 30 secondes chrono, Rick Froberg s’est mis à gueuler avec sa voix de pneu brûlé et, s’il restait un pompier de service, je crois qu’il s’est consumé sur place. La tour infernale. Steve McQueen RIP. Sauf que nous, on ne voulait plus qu’une chose, c’était griller de la tête aux pieds, la tête dans le four.
Les Hot Snakes, c’est 3 albums, quelques singles et quelques lives, plus un morceau pour un jeu vidéo. Papa, il dit que c’est post-hardcore punk et garage, mais nous les étiquettes on n’en a rien à branler. Sur la partition, tout ça c’est bien joli, mais ça donne quoi sur scène ? Un numéro de cirque ? Un récital pour narcisses avec des crêtes ? Nous, on est une meute de loups affamés, on est venus voir un putain de concert de rock. Et c’est ce qu’on a eu. Un disque, aussi farouche soit-il, reste un animal avec lequel on vit plus ou moins en secret. Un animal que l’on essaie d’apprivoiser, que l’on montre parfois à ses amis, mais qui reste finalement domestique. A la différence, un concert – qui plus est de rock – est un rituel sauvage, un face à face entre des idoles païennes, des gars qui pratiquent le sacrifice avec des manches de guitare, et le public, ce monstre d’écailles. Au final, c’est clair, c’est nous qu’on apprivoise.
Les Hot Snakes ont démarré le pied au plancher. Après trois morceaux, John Reis, le guitariste, nous a gratifiés d’un « Hello Toronto ! ». Faut croire qu’on était déjà au Canada. Mais les Snakes ont fait demi-tour, enchaîné une série de brulôts sur un rythme de plus en plus abrasif puis joué la reprise d’un groupe texan. Dans le jargon, on appelle ça le coup du crotale. La Dynamo s’est transformée en saloon. Poussées d’éperons et whisky à gogo. Les gobelets valsaient au-dessus des têtes, tout le monde sifflait comme au rodéo pendant que des filles slammaient sur la bête. Wououou !!! Attention aux vols de tabourets et direction l’abreuvoir, ça tournait un peu western, genre Peckinpah, et ça a continué comme ça jusqu’à la fin. Fini le Canada, on était plutôt sur la ligne qui va de San Diego Californie à Austin Texas, en passant par Tucson et Tijuana. D’ailleurs Mario Rubalcaba est venu remplacé Jason Koukournis sur les fûts. Comme pour indiquer qu’on avait bien passé le Rio Grande et la frontière mexicaine… Reis, de son côté, nous envoyait des solos complètement locos. A plusieurs reprises, on a failli mordre la poussière mais les Snakes jouaient encore les serpents à sonnette. On sautait partout et, en plus, pour le finale, il a fallu faire l’effort de porter Froberg à bout de bras à travers la salle. C’était trop, ils nous ont mis totalement borrachos. Totalement, ouais. C’était génial, j’en connais même deux ou trois, pour rentrer à la maison, ils ont dû faire les wetbacks…
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