Si de nombreux classiques du cinéma fantastique et d’horreur ont récemment fait l’objet de remakes (Massacre à la tronçonneuse, L’armée des morts, La colline a des yeux), aucun de ceux-ci n’a provoqué une telle polémique que la nouvelle version d’Halloween par Rob Zombie. Sans doute l’initiative de refaire le chef d’œuvre de John Carpenter a-t-elle cristallisé tout à coup le manque d’originalité des studios qui, au lieu de produire du neuf, puisent de plus en plus souvent dans leur back-catalogue pour remettre au goût du jour les classiques d’antan à destination du public d’aujourd’hui. Si certains de ces remakes sont loin d’être honteux, voire surpassent l’original, le procédé se systématise à un tel point qu’on se demande s’il est maintenant possible de produire de la matière neuve et originale. Le cas d’ Halloween est d’autant plus particulier que le film est unanimement considéré comme un monument du genre, qu’il a inauguré la mode du slasher, et que John Carpenter jouit d’un statut de maître du cinéma d’horreur, dont la mise en scène a servi de matrice à de nombreux cinéastes en herbe qui ont appris beaucoup de Fog, New York 1997 ou de The Thing. Est-ce que ça veut dire pour autant qu’il vaut mieux autoriser à toute une flopée de séquelles de vider l’ Halloween original de sa substance plutôt que de permettre à un réalisateur talentueux, Rob Zombie, d’en proposer sa propre vision ? Le réalisateur de La maison des 1000 morts et de The devil’s rejects semblait effectivement être l’homme de la situation tant il a prouvé avec ses deux premiers films, qu’il était capable de réveiller un genre moribond.
Mais là où réside réellement le problème avec ce Halloween 2007, c’est que Rob Zombie, plutôt que d’en réaliser un remake au sens strict, a fait le choix de revenir aux racines du mal en humanisant le personnage de Michael Myers, puis dans sa seconde partie, de refaire le film de Carpenter avec son lot de morts violentes. C’est cette approche qui a valu à Rob Zombie de subir les attaques des sites Internet de ceux ayant lu le script avant même le premier tour de manivelle. Et c’est là d’où vient le contresens majeur qu’il peut y avoir entre les deux films. Chez Carpenter, Michael Myers n’est qu’un masque de folie pure, le mal incarné dépourvu de toute psychologie. En donnant au jeune psychopathe un background social et familial qui justifierait ses actes, Rob Zombie aurait pu contredire l’intention de Carpenter de laisser tout cela hors-champ. La folie meurtrière de Myers n’en était que plus brutale, aveugle, et c’est ce qui faisait la force du film original. Pourtant, la première partie de Halloween 2007 est, contre toute attente, la plus réussie. Si le trauma du jeune Myers est expliqué de façon caricaturale par un beau-père violent, une mère stripteaseuse et une sœur allumeuse, la première moitié du film culmine dans le massacre de la famille le soir de la fête des morts. La séquence est d’une violence assez inouïe, appuyée par une bande son saturée qui ajoute au malaise. L’épisode en hôpital psychiatrique établit quant-à lui la relation entre Myers et le Docteur Loomis, une relation absente aussi du film de Carpenter, mais qui explique la peur panique de ce dernier quand son patient s’évade. Jusque-là, Rob Zombie se démarque de l’ombre de Carpenter pour apporter une vision propre au mythe Michael Myers, quelque chose de nouveau et de différent.
C’est quand le film rentre dans les rails de son modèle, dans sa deuxième moitié, qu’il échoue à transcender le matériau original. Car Zombie cherche à refaire en 50 minutes, ce qui en prenait 90 à Carpenter : le massacre de la nuit de la Toussaint. Là où Halloween version 76 prenait son temps pour poser le contexte, décrire les personnages, faire monter le suspense, jouer sur les effets d’apparitions/ disparitions du tueur, Zombie s’interdit une telle mise en place, faute de temps. Il joue sur la violence brute de Michael Myers, présenté ici comme un géant duquel se dégage une force hors du commun. Lors du meurtre du routier après l’évasion, la mise à mort est filmée en contre-plongée pour signifier encore davantage la puissance physique du personnage, avec une caméra qui donne l’impression de trembler sous les assauts du tueur. Carpenter ne s’appuyait pas sur le physique du psychopathe, mais au contraire installait la tension par son absence du cadre, la simple éventualité de son irruption dans le plan pour tuer. Deux intentions diamétralement opposées qui provoquent des effets contradictoires chez le spectateur. Là où le film de Carpenter faisait naître une tension continuelle, les meurtres réalisés par Rob Zombie deviennent répétitifs et dénués d’enjeux dramatiques.
C’est d’autant plus dommage qu’il est évident que Rob Zombie manifeste un respect profond du film de Carpenter. Il reprend certaines scènes quasiment à l’identique. Des lignes de dialogue – « La mort arrive dans votre ville », prononcé de façon très théâtrale à la fois par Donald Pleasence et Malcom McDowell – et de multiples détails proviennent directement de la version de 1976. L’exemple le plus évident est la reprise du film The Thing de Howard Hawks, montré sur un écran de télévision dans les deux versions. On sait que John Carpenter en réalisera plusieurs années plus tard un remake fabuleux avec Kurt Russell (il mettra aussi en scène un nouveau Village des Damnés et L’homme invisible). Pour Rob Zombie, reprendre pareillement le film de Hawks revient à légitimer sa démarche, à justifier le fait qu’aucune œuvre ne peut se soustraire à un éventuel remake, toute respectée et considérée qu’elle soit. Sauf qu’avoir voulu faire à la fois le Michael Myers Begins sur le mode du Batman de Chris Nolan et Halloween – Le remake en moins de deux heures -, Rob Zombie se disperse et rate à moitié son film. Ou le réussit en partie. C’est selon.
Halloween, de Rob Zombie – Disponible en dvd (TF1 Vidéo)
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