Il serait dommage de ne considérer Piranhas que comme un ersatz des Dents de la mer, un spoof movie opportuniste destiné à profiter du succès de Steven Spielberg. Alors certes, le film est une production Corman, avec ce que cela implique dans son cahier des charges essentiellement basé sur le sexe et la violence. Mais ce deuxième essai de Joe Dante, s’il respecte à la lettre ces critères, ne se limite pas strictement à la commande, c’est aussi une œuvre profondément éprise d’un esprit de liberté, d’un humour potache et d’une conscience politique habilement distillée en sous-marin. Il suffit de voir le premier plan pour comprendre le second degré de cette affaire-là : un mouvement de caméra filme une clôture grillagée sur laquelle on peut lire le panneau No trespassing. Un clin d’œil à peine appuyé à Citizen Kane qui situe instantanément le film sur un mode ultra référentiel, mais rigolard. Cependant, comme on est dans le registre du Bis, les hommages qui se succèdent citeront davantage le cinéma de genre : Les dents de la mer donc, L’étrange créature du lac noir, les films de Mario Bava – Barbara Steele joue ici un petit tôle -, Ray Harryhausen – avec la présence d’une créature animée en stop motion qui n’a strictement aucune fonction dans l’intrigue, un pur acte gratuit pour se faire plaisir -. Les amateurs apprécieront.
Joe Dante ne manquera d’ailleurs jamais de témoigner le respect de ses aînés et le culte d’une certaine époque dans toute sa filmographie – Hurlements, Gremlins, Small Soldiers, Panic sur Florida Beach, etc. -, ce qui pourrait le faire passer pour un modeste artisan, un malentendu si l’on considère ses capacités d’entertainer pur et son potentiel subversif, quand il s’agit d’égratigner les travers de la société américaine. Ainsi dans Piranhas, entre deux blagues complètement iconoclastes et des séquences de panique collective empruntées à Spielberg, Joe Dante en profite pour faire passer une charge antimilitariste assez évidente. Dans la passionnante interview contenue sur le disque édité par Carlotta, le réalisateur avoue d’ailleurs avoir envoyé à l’armée américaine un script différent où c’est celle-ci qui résout l’invasion piranhas, pour obtenir des véhicules militaires sur le tournage. Ce n’est pas la moins passionnante des anecdotes entendues dans ce supplément de 40 minutes. Joe Dante s’y montre intarissable et passionné, toujours animé par un esprit extrêmement salutaire de sale gosse. Dommage qu’il se fasse aussi rare ces temps-ci – on se souvient tout de même de son segment Marche ou crève pour la série Masters of Horror –, car voilà un metteur en scène capable de redonner du sens et du plaisir à un genre moribond.
Piranhas, disponible en dvd et blu ray (Carlotta)
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