Etrange coïncidence de dates que les sorties quasi simultanées de Spring Breakers et The Bling Ring en salles. Certes, comparaison n’est pas raison, il y a cependant dans les deux films une façon d’ausculter la culture teenage américaine dans l’ennui profond où elle se trouve et le passage à l’acte qui consiste à se confronter à un rêve pour échapper au train-train quotidien. Mais là où Harmony Korine nous injectait un gros shoot d’adrénaline sur pellicule, traversé d’énergies contradictoires, Sofia Coppola filme ce qu’elle sait observer de mieux depuis ses débuts de réalisatrice : l’ennui. En adaptant un article de Vanity Fair sur un gang de jeunes cambrioleurs qui s’introduisait dans les demeures de stars pour y faire leurs emplettes, elle ne cherche à aucun moment à renouveler les formes de son cinéma. Pire, on a cette fâcheuse impression qu’elle a même perdu ses sensations de cinéaste. On l’aimait pourtant pour ses capacités d’observation qui lui permettait de produire de la belle photographie et du beau cadre, quitte à prendre des pauses maniéristes. On appréciait la façon dont elle parvenait souvent à capturer les sentiments de ses personnages et à les illustrer dans des séquences tantôt poétiques, tantôt nostalgiques. Elle a toujours su utiliser sa bibliothèque musicale à bon escient, tout en évitant l’écueil du clip un peu facile. Avec The Bling Ring, rien de tout ça, mais un film vide de sens et d’intérêt, paresseux et répétitif, qu’aucun sursaut d’inspiration ne vient jamais traverser.
Il y avait pourtant là matière, pour une réalisatrice qui s’intéresse à l’adolescence comme Sofia Coppola, à décliner des thèmes comme la fascination qu’exercent les stars sur les teenagers, l’identification aux people des magazines, l’influence des nouveaux réseaux sociaux sur les comportements et l’image de soi. Mais tous ces motifs ne sont qu’à peine survolés dans leurs aspects les plus superficiels, sans jamais aller au fonds des choses. Les intrusions nocturnes dans les villas de Los Angeles n’autorisent aucune variation de ton, en l’absence de la montée d’adrénaline liée à la transgression de l’interdit chez les cambrioleurs en herbe. Ces séquences-là ne sont pas traitées davantage d’un point de vue fantasmagorique comme le permettait le décor baroque de la villa de Paris Hilton, prêtée pour l’occasion. Mais non, nulle tentative de diriger le récit vers le conte, ni effet de sidération. Toutes les scènes de braquage se suivent et se ressemblent, comme les virées nocturnes en voiture, la sono à fond. Tout est interchangeable, les passages en club ne produisent guère plus d’euphorie, l’utilisation des ralentis est maladroite et loin de la perfection qu’en obtient un réalisateur comme Wes Anderson, qui transcende à chaque fois l’exercice. Sofia Coppola se contente d’un programme basé sur la multiplicité des sources des images, issues du web – pages de profils Facebook, google maps, street view, webcam – de la télévision – flashs infos, talk shows – et de caméras de surveillance. C’est bien peu et surtout déjà vu mille fois ailleurs, en plus pertinent.
Sofia Coppola est en panne, c’est manifeste et d’autant plus gênant qu’en plus de ne pas savoir quoi et comment le dire, elle se paie la tête de ses personnages en les ridiculisant autant que possible. Les parents y sont soit absents, soit adeptes de méthodes de développement personnel basé sur le modèle… d’Angelina Jolie ! Quant aux adolescents, ils ne sont caractérisés qu’en fonction du plus petit dénominateur commun, avec séances d’essayage à répétition et shopping compulsif systématique. Difficile de s’attacher à un seul personnage, la réalisatrice n’ayant visiblement de tendresse pour aucun d’entre eux et ne les renvoie jamais à leur sentiment de vide et de solitude. On ne peut pas affirmer davantage qu’Emma Watson prenne de vrais risques ou casse son image de gentille Hermionne. Elle incarne juste une victime de la mode lambda, un peu nunuche et frivole, sans aucune charge sexuelle sous jacente ni zone d’ombre apparente. The bling ring trace en fait les limites du cinéma de Sofia Coppola, en l’absence d’un discours clair et lisible qui ne soit pas simplement issu d’un magazine sur papier glacé. Il faudrait sans doute qu’elle se coltine un vrai film de genre pour sortir d’une telle impasse et réussir à passer outre les lubies dont elle a déjà largement fait le tour.
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