Cette année – et une fois n’est pas coutume – le temps semble être clément au Fort St Père, puisqu’un joli soleil réchauffe les festivaliers qui, ce jeudi, sont venus nombreux. C’est ce qui frappe le plus à l’entrée sur le site. En effet, il est bien difficile d’avancer tant la foule agglutinée sur la nouvelle deuxième scène du Fort est importante. Ne parlons même pas de la file d’attente pour récupérer les fameux jetons, sésame pour obtenir toute boisson sur le site.

Cette deuxième scène, pour la première fois en dehors des remparts du Fort St Père, annonce une nouvelle ère à la Route du Rock. Plus de concerts, plus de découvertes notamment. Seul petit hic, avec cette édition particulièrement fréquentée, elle ne laisse que peu de place au public et créé aussi des embouteillages. Cela dit, cela reste plutôt une excellente nouvelle au vue des prestations données.

D’ailleurs, c’est Jacco Gardner qui avait la lourde tache d’ouvrir les hostilités, justement sur cette scène dite des Remparts. Nous n’aurons pas l’occasion de voir sa prestation, pas plus que celle d’Iceage ni de Moon Duo mais selon les rumeurs entendues, les avis sont partagés. Le jeune batave semble remporter les suffrages alors qu’ Iceage, avec un son garage se rapprochant du punk, a divisé. Quant aux derniers – à qui revenaient la tâche de mettre un peu de calme dans tout ça -, ils ont donné un concert qui n’aura pas déplu, loin de là mais n’aura visiblement pas laissé une trace indélébile.

La soirée débute donc réellement avec l’entrée sur la grande scène des Local Natives. De retour à la Route du Rock mais cette fois-ci collection été, le groupe présentait son second opus intitulé Hummingbird. Ce dernier, produit par Aaron Dessner, membre de The National, dévoile un penchant plus intimiste et mélancolique du groupe. Ils alterneront de façon plutôt efficace entre premier et deuxième album, faisant de l’ensemble quelque chose de cohérent et de très plaisant. Reposant sur des titres forts comme World News qui débute le concert, You & I ou encore Warning Sign, la magnifique reprise des Talking Heads, les Local Natives n’auront pas de peine à convaincre même les sceptiques, et offre là un concert des plus intéressants. La moustache était en vogue ce jeudi dans le public !

Mais il faut bien avouer que leur prestation sera bien vite surpassée par celle de Nick Cave & The Bad Seeds, sans doute l’artiste le plus attendu cette année à St Malo. Grand personnage de la scène musicale depuis plusieurs décennies maintenant, Nick Cave et les fameux Bad Seeds, ne vont pas décevoir bien au contraire. Avec une setlist quasiment parfaite, ou Jubilee Street s’enchaine à From Her To Eternity, les fans en ont eu pour leur argent, et les non initiés ont pu découvrir toute l’étendue de la discographie de l’Australien. Même Love Letter qui adoucit un peu le set s’emboite parfaitement dans la série de tubes interprétés par Nick Cave, Deanna et The Mercy Seat en tête.

Au delà, de la qualité musicale, c’est la présence scénique du bonhomme qui impressionne. En effet, tenue correcte exigée, l’homme est chez lui sur scène, mais comme beaucoup de monde, aime bien en sortir de temps en temps. Nick Cave passera le plus clair de son temps sur les barrières de sécurité tenant les mains des heureux spectateurs du premier rang, qui se feront gronder et arroser par Nick Cave au gré des morceaux ! Demandé depuis plusieurs années par les organisateurs de la Route du Rock, ils n’auront surement pas été déçus.

Suite à cette prestation incroyable, c’est l’autre tête d’affiche qui aura la charge de relancer la soirée. !!! ou Chk Chk Chk s’était produit sur le fort St Père en 2005 ou déjà à l’époque il avait fallu relever le défi de passer après un concert exceptionnel. Si à l’époque !!! avait fait des étincelles à la suite Cure, cette année on sera plus dans la réserve. Avec le temps et l’expérience, le groupe a visiblement perdu un peu de son insouciance. Même si l’énergie est toujours présente, Nic Offer toujours en short et offrant encore aujourd’hui ses danses un peu gênantes, aura certes fait le boulot mais il manque l’élément qui fait d’un concert un moment exceptionnel. Il faut dire que ces dernières années le groupe aura connu quelques mésaventures avec le départ de John Pugh qui était un élément clé notamment au chant, mais aussi avec le décès du batteur Jerry Fuchs en 2009. Sans être réellement déçu, on attendait mieux de !!! qui n’aura sans doute pas emporté tous les néophytes.

On se dirige alors vers la deuxième scène ou Electric Electric prendra le relais. Cette scène convenait parfaitement au groupe français, car cela permettait d’avoir un concert plus resserré, donnant une impression plus exaltée tant au niveau des jeux de lumières que de la puissance du son. En effet, le groupe ne sera pas avare en décibels et c’est un set énergique qui est délivré. Le public sera des plus enthousiastes, en tout cas ceux qui auront eu la chance d’approcher la scène. Rappelant par moment Battles, les strasbourgeois ont à cœur de faire de ce moment quelque chose de fort et c’est plutôt réussi. Malheureusement, à la mi parcours, il semble que tout est déjà dit, tant les chansons semblent des redites des premières. La puissance de jeu d’Electric Electric suffira pour emporter l’adhésion, malgré ce bémol.

Enfin, ce sont les excellents Fuck Buttons qui clôturent la soirée, toujours un moment particulier à la Route du rock. Leur dernier opus Slow Focus avait annoncé une couleur plus calme et plus travaillée, quasiment un album qui s’écoute de bout en bout, sans vraiment dissocier les chansons. L’ambiance est posée d’entrée avec Brainfreeze issu de ce dernier album, Fuck Buttons restera fidèle à son son, sans doute le plus exigeant de la journée. Mais le public est bien présent et toujours nombreux, malgré une prestation sans aucune interaction avec le public. Placés face à face, les deux anglais ont un beau jeu de scène, avec un dispositif visuel intéressant, mais ils sont profondément ancrés dans leur musique. La qualité musicale indéniable sauvera une prestation qui en a déçu certains, il est vrai qu’on aurait aimé un peu plus de folie pour finir la soirée en beauté. Mais globalement cette première journée aura été une réussite.

Crédit photo : Nicolas Joubard

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