Après une première journée plutôt réussie, en ce vendredi matin c’est un peu la soupe à la grimace ! En effet, la pluie fait son apparition, le meilleur moyen pour nous empêcher de profiter pleinement de la plage et de ses concerts organisés dans le cadre du festival.
Mais comme disait l’autre, en Bretagne il ne pleut que sur les cons et en réalité la pluie finira par s’estomper comme par magie à l’heure où le petit prodige Jackson Scott fait son entrée sur scène. Le public est moins nombreux que la veille pour ce premier concert, mais cela n’entame en aucun cas l’enthousiasme du jeune homme. Découvert sur la toile et lancé sur scène par Bradford Cox, le leader de Deerhunter, Jackson Scott livre ici un set plus lent qu’on aurait imaginé, plus travaillé, mais il ne laissera pas forcément une trace indélébile. Ne parvenant à emporter le public qu’à de trop rares moments, on ne peut cependant nier qu’un certain charme s’échappe de ses rythmiques.
Rencontré plus tard dans la soirée, Jackson Scott nous retrace son parcours, durant lequel il a été à la limite de la maladie mentale tant ses compositions lui occupaient l’esprit. Fan des Pixies, de Nirvana et de Pavement, il se laisse aussi inspirer par des chansons plus commerciales dont les bandes FM raffolent. Une confidence qu’il nous laisse avec un sourire malicieux. Personnage atypique qui n’a pas cédé aux sirènes des labels, puisqu’il les a tout simplement boycottés, Jackson Scott est un jeune homme attachant, qui a fait son petit effet dans le monde musical et qui nous réserve peut-être de belles choses pour la suite.
En attendant, les expérimentés Woods ont la charge de lancer la soirée sur la grande scène. En effet, ils n’en sont pas à leur premier essai, puisqu’il présentait cette année leur septième album, Bend Beyond. Leur musique qui tend vers le Folk Rock est idéale pour cette fin d’après-midi. Propre sur lui, la barbe bien taillée, les lunettes qui vont bien, Jeremy Earl emmène son groupe sans jamais flancher. Leur musique enjouée et toujours bien ficelée, séduit rapidement aussi bien un public de curieux que d’inconditionnels. Avec des chansons comme Size Meets the Sound, Bend Beyond, qui délivrent des sonorités envoûtantes et un refrain imparable, ou encore avec Lily, on retombe directement dans les années soixante, avec un plaisir non dissimulé. Une très bonne mise en jambe.
C’est aux Danois d’Efterklang de reprendre les affaires en mains. Même si de notre côté, on se dirigera vers la conférence de presse pendant leur set, le groupe aura produit son effet comme à son habitude. Il faut dire que le costume blanc de Casper Clausen ne peut laisser indifférent. Sa personnalité toujours très attachante et proche du public, même francophone, fait quoiqu’il arrive plaisir à voir. D’ailleurs, l’ensemble du groupe montre ostensiblement sa bonne humeur. Mais à vrai dire, la voix du leader du groupe suffit à mettre tout le monde dans le rang. Maîtrisée à la perfection, on ne peut que l’écouter avec délectation. Et encore davantage lorsque des compositions comme Frida Found A Friend – enivrante à souhait – font leur apparition. Bref, une bien belle prestation, mais on attend toujours aujourd’hui un peu plus de folie et d’énergie au Fort St Père !
La nuit est définitivement tombée lorsque nous essayons de nous frayer un chemin vers la scène des Remparts, le fort s’étant bien rempli depuis le début des festivités et il nous sera un peu difficile d’apercevoir enfin Miles Michaud et sa bande. Les Californiens auront attiré énormément de monde. Il faut dire que leur album éponyme Allah Las est un vrai petit bijou ! Et bien sur scène, ça reste un petit bijou, mais avec quelques carats de plus ! Allah Las est une des révélations de cette 23ème édition. Certes, certains diront que les chansons du groupe ont tendance à trop se ressembler, un sentiment qu’on éprouve beaucoup moins sur l’album. Mais comment rester insensible aux charmes de Sandy, Sacred Sands, ou encore les excellentes Catamaran et Don’t You Forget It ? Véritable retour au sixties là-aussi, c’est le sourire aux lèvres que rapidement l’envie de danser vous prend. Une bonne humeur règne en maître aux Remparts et on en redemande. Vraiment, on a hâte de recroiser le chemin de ces Allah-Las.
Ceci étant, on manque sérieusement de rock ce soir et on espère bien qu’on va entrer dans le vif du sujet ! Car vient le moment tant attendu. Les murs du fort vont enfin faire résonner le son de Godspeed You ! Black Emperor. Une affiche qu’on attendait depuis des lustres sur ce festival, voilà un rêve qui devient réalité pour certains. Oui, pour certains, car pour d’autres c’était plutôt le moment d’aller casser la croûte. Le post rock des Canadiens a le mérite de ne laisser personne indifférent. Il faut dire qu’au moins cinq bonnes minutes de son bourdonnant se passent avant que le groupe ne prenne place et quelques autres encore, avant qu’une mélodie ne commence à apparaître. C’est à ce moment-là que la magie opère vraiment. On se surprend à fermer les yeux, on se sent partir petit-à-petit dans un univers inconnu et pour cela les remparts du Fort aident vraiment ! Les Canadiens, très peu communicatifs – mais bon c’est un peu leur marque de fabrique – vont nous proposer en tout et pour tout cinq chansons, dont la récente Mladic. Malheureusement, ils ne parviendront pas aux sommets qu’ils atteignent lorsqu’ils jouent dans une salle qui leur est entièrement dédiée. Dommage, mais c’était en tout cas à voir et à faire !
On en arrive à l’un des concerts les plus surprenants de l’édition. Zombie Zombie s’empare de la petite scène. Composé de Neman – le batteur d’Herman Düne – et d’Etienne Jaumet, ils sont accompagnés cette fois par Laurie Schönberg qui prendra en charge la deuxième batterie du groupe. Oui une deuxième batterie ! Non ce n’est une copie de Liars ou autre ! Mais la mise en scène est franchement bien foutue. Les batteurs en face à face, Etienne Jaumet surélevé au milieu des deux et aux commandes des divers synthés et autres machineries, ça fait son petit effet, d’autant plus qu’on ne se privera pas de fumée magique. Et nous voilà près pour les Rituels d’un Nouveau Monde, titre de leur dernier album, et petit à petit à décoller vers une autre planète, Venus peut-être, comme souvent répété dans Rocket #9, véritable tube en puissance, étiré à souhait en concert et laissant le loisir à Etienne Jaumet de sortir son saxophone fétiche !
Rencontrés quelques heures plus tôt, les deux acolytes indiquent restés très attaché à l’imagerie cinématographique. Ils avaient d’ailleurs repris certaines compositions des BO des films de John Carpenter. C’est quelque chose qu’on retrouve sur scène de façon assez flagrante, la chorégraphie des batteurs étant d’ailleurs assez sympathique. Ils nous dévoileront avoir réalisé la BO d’un film franco-algérien qui tente actuellement de sortir en salle, Loubia Hamra (Haricot Rouge) et dont leur label Versatile (aucun lien) semble engagé à produire en EP. Espérons que le projet aboutisse !
Mais la musique continue au Fort St Père et cette fois, le rock reprend ses droits. Enfin ! a-t-on envie de dire. Voilà un bon vieux groupe de rock classique qui va faire du ménage. Bass Drum of Death, ressort le trio magique Guitare – Basse- Batterie pour nous faire vivre un petit moment Garage / Punk de derrière les fagots. Ce jeune groupe avance sans complexe. Enfin presque, la voix de John Barett restant volontairement en retrait pour cacher les éventuelles défaillances… Nous ne bouderons pas notre plaisir de retrouver des chansons de trois minutes, montre en mains ! Ces petits gars-là sont tout simplement réjouissants. L’énergie, la puissance et la coupe de cheveux nous font forcément penser à Nirvana, mais ce serait quelque peu réducteur. GB City, ou l’excellente Get Found qui clôturera le show renvoient davantage à du post punk par moment, voire aux Stooges ou plus récemment à The Kills, notamment sur Velvet Itch. En tout cas, voilà qui a reboosté les plus fatigués des festivaliers. Une agréable surprise.
Enfin pour finir en beauté, TNGHT (prononcez Tonight) présenteront les premières compositions qu’ils ont en poche et en profiteront pour faire passer quelques mixes. Déchaîné sur scène, le Canadien Lunice se livre à des acrobaties assez spectaculaires et entraîne le public à se déhancher davantage. Il est vrai que le public malouin est assez difficile à bouger. Pendant ce temps, l’Ecossais Hudson Mohawke tient les manettes d’un son oscillant entre d’excellentes fulgurances et des passages plus ennuyeux. Cette inégalité dans sa production pénalise forcément une prestation où l’on ressentait de l’envie, notamment celle de Lunice, visiblement plus libre, qui annoncera encore deux chansons avant de s’entendre dire qu’il ne restait le temps que pour un seul morceau. Il partira un poil énervé, d’ailleurs.
Cette deuxième journée fut plus inégale dans les concerts, malgré des sonorités qui s’enchaînaient plutôt bien. Si les prestations ont dans l’ensemble été réussies, il a manqué à cette journée un grain de folie, et un zeste d’énergie. On restera un peu sur notre fin, même si certaines concerts marqueront clairement cette édition.
Crédit photo : Nicolas Joubard
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