Radicalité, exigence, intransigeance, tels sont les qualificatifs qui reviennent le plus souvent quand il s’agit de parler du dernier disque de Mendelson, le cinquième du groupe. Un objet inhabituel dans la production courante, un format triple, à l’opposé des habitudes de consommation (musicale, mais pas que) actuelles privilégiant le zapping, l’instantanéité. On n’écoutera ainsi pas Les heures entre deux stations de métro, le morceau dure 54 minutes. Un seul titre affiche moins de cinq minutes au compteur, six sur onze font plus de dix minutes. Voilà pour les statistiques. Musicalement, impossible d’affirmer qu’on se situe dans l’univers du rock plus que dans celui de la chanson française. C’est embêtant de ne pas pouvoir étiqueter, enfin, surtout pour les labels et les marchands, surtout que ce cinquième opus n’a pas de titre, on n’a pas non plus envie de l’appeler éponyme, c’est vilain. Le disque échappe aux références, le petit jeu des comparaisons sera forcément hors de propos. Disons – pour que l’exercice critique ne soit pas tout à fait vain – que depuis sa sortie au printemps dernier, on n’a pas fini de faire le tour de cet album qui ne se donne pas spontanément avec évidence. Sa durée impose une notion d’expérience, avec ce que cela sous entend d’émotions multiples et parfois contradictoires. On voudrait rejeter d’un bloc ce monstre, car on n’arrive pas à le caser dans notre temps disponible, mais on y revient fasciné par son pouvoir quasi hypnotique – sans doute le spoken word de Pascal Bouaziz -. On n’a pas envie d’entendre cette vision de l’homme dans ce qu’il a de plus bas et pathétique, mais on goûte à l’ironie cruelle des textes. On aimerait juger d’une posture d’artiste perché dans l’expérimentation, mais on est aussi surpris par l’étonnante accessibilité globale. In fine, il faut bien avouer que malgré quelques défauts et lourdeurs ici ou là, ce disque impressionne, sans pour autant qu’il nous prenne de haut.
Autant dire qu’on ne sait pas trop ce à quoi s’attendre au concert de Mendelson au musée des Abattoirs de Toulouse, si ce n’est qu’on y sera assis, car la chose se déroule dans l’auditorium et que c’est gratuit – le rendez-vous est programmé dans le cadre des Jeudis des Abattoirs -. Le groupe débute son set comme sur l’album avec La force quotidienne du mal. Les musiciens sont placés dans l’obscurité la plus totale, des images répétitives sont projetées sur chacun comme seule source de lumière. Le premier titre permet de mesurer l’excellente tenue du son de scène, la voix est parfaitement mixée et les différentes textures sonores complexes de l’album idéalement retranscrites en live. Des beats syncopés rythment le morceau, le traversent comme on tailladerait la chair avant que des notes de clavier le conduisent vers une conclusion plus apaisée, de toute beauté. Pascal Bouaziz – totalement lunaire, qui joue à chercher ses mots – détend une atmosphère qui pourrait être glaciale en balançant entre chaque titre des traits d’humour bienvenus. Il rigole de venir porter la culture à Toulouse – c’est sûr qu’on est loin du Tomber la chemise de Zebda -, se réjouit de la disparition de Lou Reed dont il regrette la dernière collaboration avec Metallica. Après Ville nouvelle, il convoque sur scène l’autochtone Michel Cloup pour compléter le diptyque avec Nouvelle Ville. Le Toulousain, qui lit les paroles sur son I Phone fait progressivement monter la tension et emporte l’adhésion en régional de l’étape. Ce soir, Mendelson – qui jouera essentiellement les titres de son triple album – rendra caduc tout commentaire sur les notions d’exigence, d’intransigeance ou de radicalités citées plus tôt, qui n’ont de valeur que pour ceux qui en sont dépourvu. Il a amené sans effort les spectateurs dans son univers, sans une once d’ennui ni prendre la pause, pendant un set d’une heure vingt dont on aurait juste aimé qu’il se prolonge davantage.
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