Finalement, en France pas plus qu’aux Etats-Unis Scott Piligrim n’aura trouvé un public plus large que la cible geek prioritaire à laquelle le film était destiné. Sortie « technique » selon les termes de la distribution : juste une vingtaine de salles dans l’hexagone, peu de promo , quelques copies en V.O. seulement et surtout, un bluray dispo à l’import depuis des semaines et la possibilité de télécharger la chose sur n’importe quel bon forum de download, en dvdrip, BR Rip, 720p, 1080p, VOST ou Truefrench au choix et donc de faire chauffer le home cinéma à peu de frais. C’est d’autant plus dommage de vouer ainsi un film à l’échec que l’adaptation du comics par Edward Wright est une vraie réussite euphorisante et jouissive, truffée d’inventions visuelles et graphiques, dopée par une bande-son sur-vitaminée. A défaut de succès public, de quoi garantir en revanche à Scott Pilgrim le statut de film culte auprès des amateurs de mangas, de films de sabre, de kung fu, de teen movies, de jeux vidéos, de pop culture, autant d’influences brassées ici et ré injectés sous la forme d’un énorme trip générationnel.
C’est l’éditeur Milady Graphics qui avait préparé le terrain en publiant depuis mars 2010 les premiers volumes du comics dessiné par Bryan Lee O’Malley, le quatrième opus coïncidant avec la sortie du film en salles. C’est pourtant celui qui s’éloigne le plus de la trame de l’adaptation cinématographique, Edward Wright ayant choisi de structurer le film essentiellement autour des duels entre Scott Pilgrim et les sept ex maléfiques de Ramona Flowers, évacuant toute sous-intrigue qui aurait pu ralentir le rythme de l’action. On était là en face du seul vrai défaut du film, son aspect attendu et programmatique, son absence de rupture de ton, même si chaque affrontement était suffisamment différent des autres pour renouveler l’intérêt du spectateur. Hormis l’apprentissage du personnage principal, présenté comme l’accumulation de capacités dans un jeu vidéo et le passage à un niveau d’expérience supérieur (le « level up »), le film laissait de côté tout autre aspect de la vie réelle et quotidienne des protagonistes pour garantir au spectateur un maximum de plaisir ludique et faire de Vancouver un énorme terrain de jeu tout droit sortie d’une borne d’arcade.
Scott Pilgrim gets it together, le tome 4, fait justement une pause dans le défilé des ex maléfiques pour s’attarder davantage sur les soucis ordinaires de ces adolescents qui sont les personnages du comics. Payer le loyer, rencontrer son propriétaire pour négocier le renouvellement du bail, trouver un job alimentaire car la musique ne permet pas de remplir le frigo, Scott et Wallace, son colocataire sont ici soumis à d’autres lois que celles des jeux vidéos mais à des exigences financières beaucoup plus prosaïques et pragmatiques. Le rythme est ici moins effréné que dans les volumes précédents, cet épisode se situant dans la chaleur de l’été induit en outre une notion de durée absente du film dont le temps semblait davantage condensé, comprimé. La relation Scott/ Ramona se révèle ainsi plus stable et durable que dans le film et permet en outre d’introduire la tentation de l’infidélité dans le récit et la notion de construction de la relation amoureuse. La série n’opère pas pour autant un virage ultra réaliste en rupture avec le ton fun général qui prévalait jusque là. On retrouve les insertions fantastiques (la porte sub-spatiale), les références au manga et à l’univers vidéo ludique familières au lecteur. Si la narration est plus linéaire et le dessin a évolué dans le sens d’une plus grand maturité, ce quatrième tome n’est demeure pas moins cohérent avec l’ensemble, et s’avère le compagnon idéal du film dont il prolonge les thèmes et multiplie les pistes narratives, toutes choses permises par l’aspect feuilletonnant de la série papier.
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