Il y a dans Les nouveaux sauvages un ton, une impertinence, une forme de méchanceté et de moquerie qui rappellent instantanément le meilleur des comédies italiennes des années 60, époque où le film à sketches était chose courante. Il faut dire que Damián Szifrón s’en donne à cœur joie dans son exercice de démolition en règle des conventions sociales qui maintiennent la société humaine à l’état de civilisation, avec tout ce que cela implique politiquement, moralement, éthiquement et culturellement. En organisant les pétages de plombs systématiques de ses personnages, en faisant sauter les derniers verrous qui les maintiennent dans les strictes règles de la société, il autorise le retour à un état primitif jouissif et libérateur sans aucune limite.
Un groupe de personnes se retrouve dans un avion pour s’apercevoir qu’ils ont été réunis là par une connaissance commune bien décidée à se venger de leur comportement à son égard. Une cuisinière voit entrer dans le restaurant où elle travaille un homme politique qui est responsable de la mort de toute sa famille. Elle hésite à lui servir une assiette agrémentée de mort au rat comme dernier repas. Un automobiliste insulte copieusement le chauffeur d’une camionnette qui refusait de se laisser doubler… avant de tomber en panne en plein désert quelques kilomètres plus loin. Un expert en démolition a du mal à digérer que son véhicule ait été embarqué par la fourrière et devient un héros vengeur national dans un combat contre l’administration. Un couple bourgeois a recours à la corruption pour faire éviter la prison à son fils qui a renversé une femme enceinte, après une soirée arrosée. Un mariage tourne au jeu de massacre quand la mariée découvre qu’elle a été cocufiée par une invitée.
Sentiment d’injustice, lutte contre la bureaucratie, tromperie, trahison, mensonges, jeux de pouvoir, vengeance, les situations décrites dans le film ont toute une proximité avec un sentiment vécu par le spectateur à un moment de sa vie. Sauf que les solutions envisagées ici par le réalisateur argentin ont une fonction catharsistique dans ce qu’elles ont de jusqu’au boutiste et définitive. Le film provoque ainsi un rire libérateur d’autant plus que Damián Szifrón s’appuie sur un vrai rythme de comédie sans temps mort et des références à des genres multiples comme le drame social, le film catastrophe, le western, le thriller… Avec beaucoup d’aisance. Tout cela est très plaisant, mais paradoxalement inoffensif et finalement assez vain dans ses intentions qui révèlent assez vite leurs limites. Car les réactions primaires et instinctives décrites dans le film n’autorisent aucune réflexion sur la morale ou sur la justification de la violence, Les nouveaux sauvages se trouve alors prisonnier dans son dispositif grand guignolesque qui retombe comme un soufflet.
Note: