Dans Chez Nous, Lucas Belvaux dissèque les mécanismes de séduction des partis extrémistes et livre une fiction quasi-documentaire sur les racines de la haine.

Pauline (Emilie Dequenne formidable) est infirmière à domicile dans une petite ville du Nord de la France.

Jeune femme divorcée, mère de deux enfants, elle navigue entre ses patients et son père, veuf et ancien métallurgiste communiste, dont elle s’occupe du matin au soir. Confrontée aux difficultés sociales, aux tensions inter communautaires, elle est appréciée de tous. Main tendue et tête haute, elle arpente les maisonnettes du centre-ville comme les barres d’immeubles décrépis.

Pauline est une cible. La cible d’un parti en manque de candidats respectables qui soient ancrés dans le tissu social des communes.

Ce que nous montre Lucas Belvaux, touche par touche, avec beaucoup de précision et de rigueur, c’est le braquage idéologique d’un parti qui rentre insidieusement dans la tête des gens les plus fragiles, comme un venin qui aspire tout.

Cela se passe ici, en France, chez nous, chaque jour. Les discours se banalisent, la parole se libère et dissémine une odeur abjecte qui dérange de moins en moins.

Tout commence par une invitation faite à Pauline.

Celle d’un médecin, Berthier (André Dussollier terrifiant), petit bourgeois propre sur lui et bien sous tous rapports, symbole de réussite sociale, mais surtout recruteur inféodé à la cause du Bloc Patriotique.

Le bloc est un parti d’extrême droite qui ressemble à s’y méprendre au Front National. Il est dirigé d’une main de fer par Agnès Dorgelle (Catherine Jacob), fille du fondateur de ce mouvement qui flirte avec les groupuscules néo-nazis et les bandes ultra sécuritaires qui bastonnent l’étranger à coup de battes et de selfies.

Berthier recrute Pauline. Idéologiquement la jeune fille est loin des idées rances fondées sur le rejet de l’autre, mais elle succombe. Elle se laisse prendre par les perspectives. Celles de l’ascenseur social, de la reconnaissance, de l’envie d’exister pour elle et un peu moins pour les autres.

Elle rentre alors dans une logique de dénégation. Dès lors qu’elle commence à comprendre qu’elle est un outil de propagande et à observer ce fossé qui se creuse autour d’elle, elle se force à adoucir les fondements crypto fascistes ou racistes du parti.

Lucas Belvaux donne de la puissance à son manifeste.

D’abord au travers d’Emilie Dequenne, candidate soumise, mais aussi dans le personnage de son père, communiste malade à la retraite qui ne peut rien faire d’autre face à l’embrigadement que de rompre avec elle.

Le cinéaste ne se concentre pas uniquement sur le cœur du parti. Il montre aussi tous les groupuscules qui gravitent autour du bloc. Les identitaires, les ultra-nationalistes, les révisionnistes, les néo nazis qui s’intègrent parfaitement à la mécanique des dirigeants du parti, dès lors qu’ils restent discrets.

Guillaume Gouix incarne l’un de ses personnages à double face, à la fois dévoué à Justine dans une sorte de rédemption par l’amour mais aussi systématiquement rattrapé par son passé ultra violent.

Le film est très fort car il ne s’autorise aucun manichéisme, aucune facilité, aucun parti pris. Il montre et dissèque un putsch idéologique qui au fond ne fait que des victimes.
L’épilogue bouleversant montre en une scène que le parti des extrêmes est un parti de destruction sans aucun état d’âme.

Lucas Belvaux réussit son pari et à quelques mois du premier tour de la présidentielle, le film fait déjà figure de choc.

Note: ★★★★☆

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