Si l’on m’avait dit un jour que je verrai un groupe russe en concert, je crois que je n’y aurais pas cru. Lorsqu’on se laisse aller à l’imagerie populaire, on ne pense pas vraiment écouter du rock. On se laisse forcément porter par des chants folkloriques (fortement connotés) ou par de la musique electro dance qui peut rendre malades les plus résistants d’entre nous.
Et pourtant, lorsqu’on évoque le nom de Motorama, c’est bien de pop indé dont on parle. Une musique peu commune au pays des Soviets, mais qui à force de travail et de talent finit aujourd’hui par nous parvenir aux oreilles.
Motorama présente actuellement en tournée son deuxième opus, Calendar, le premier qui sera édité et distribué chez vos disquaires préférés. L’histoire est somme toute assez incongrue pour ce groupe de jeunes gens aussi timides et réservés que leur ville d’origine ! Rostov-sur-le-Don, pour ceux qui ne connaissent pas – c’est à dire une grosse majorité – se situe à quelques kilomètres de la mer Noire et de l’Ukraine, on est donc bien loin de la capitale russe. La ville est assez anodine, il ne s’y passe pas grand chose et on peut aisément imaginer l’ennui aussi distinctement que les nuages dans le ciel.
Quelques années plus tôt, ils diffusaient leur premier album, Alps, gratuitement sur internet, pour pouvoir se faire connaître aussi bien dans leur pays que dans le monde. Et je crois bien qu’ils le sont plus encore en dehors de leurs terres ! La preuve en est du nombre de personnes dans la salle, qui laissait finalement peu de place à l’espace.
C’est donc dans ce contexte qu’est né le groupe Motorama, une ville sans relief, loin de tout, où l’espoir a fini de vivre, bref le terrain idéal pour le post punk ou la new wave autrefois portés par des groupes aussi emblématiques que Joy Division ou encore The Cure.
Nous retrouvons l’essence même de l’époque Madchester, et à en écouter les premières notes du concert, l’influence est sans appel. Valdislav Parshin, leader et chanteur du groupe, ne le cache d’ailleurs pas, la Factory reste pour lui une référence.
D’ailleurs, comment ne pas faire le parallèle entre le russe et Ian Curtis ? Leurs voix sont par moment comme des jumelles, même si, avec une écoute attentive, on retrouvera plus de similitudes avec celle de Matt Berninger de The National.
Mais la voix n’est évidemment pas le seul élément de comparaison. La musique développée par Motorama reprend les choses là où les ont laissées leurs prédécesseurs. Des mélodies simples, une rythmique claire et rapide, le tout est assez carré et propre, mais laissant la porte ouverte, en concert, à des digressions qui permettent des envolés inattendues et qui font tout le charme du groupe.
Et alors que Motorama monte sur la petite scène du Connexion Café, on se demande encore comment ces gens ont bien pu atterrir à Toulouse. Voilà quatre garçons et une fille, Airin Marchenko, à la basse bien sûr, mais malheureusement déjà en couple avec le chanteur blond à lunette, aussi paumés les uns que les autres, à tel point qu’on se demande si ce sont bien les musiciens ! Pas de look particulier, ces types là sont des mecs normaux, même si Alexander Noretz aux keyboards, semble par moment inquiétant dans son attitude figée et son regard vide !
C’est sans véritable introduction que débute le concert. Motorama ne fera pas dans le détail ce soir. Peu de communication avec le public, on peut le regretter car la salle du Connexion se prête plutôt bien à la chose. Le russe est timide, je vous le disais ! Mais c’est là encore un point commun avec leurs groupes de référence.
Si de premier abord, on a rapproché Motorama de Joy Division, pour les raisons déjà évoquées, il faut dire tout de même que leur musique, rythmée et somme toute enjouée, nous entraine vers d’autres univers plus proche d’Interpol voire même de Belle & Sebastian. La noirceur n’est donc pas le maître mot pour les russes qui savent parfaitement trouver des mélodies douces et accueillantes, leur dernier single To The South par exemple, en étant la parfaite illustration.
Ceci dit, on retrouve dans le groupe une cohésion et une implication à faire de ce concert quelques chose de vivant. La scène étant petite, cela n’empêche pas Vladislav et Airin d’occuper l’espace et de se lancer par moment dans des danses quelques peu… personnelles ! Alexander échappe d’ailleurs de justesse, et à plusieurs reprises, à des coups de manche de guitare, ce qui deviendra par la suite un petit jeu.
Avec une énergie toujours égale du début à la fin du concert, nous aurons la chance d’entendre la quasi totalité des chansons de Motorama. Nous découvrons des compositions qui, si elles étaient venues de Grande Bretagne, auraient sans doute trusté les ondes des radios rock. Les singles Ghost (2010) ou One Moment (2011), véritables têtes de gondole du groupe, passent leur examen d’entrée dans la cours des grands avec quelques années de retard, à cause toujours d’une géographie originale.
Mais malgré la qualité des compositions du groupe, il faut dire que par moment, on aura besoin d’une oreille avertie pour différencier certains titres. Car si l’ont peut leur faire un reproche, c’est d’avoir des chansons qui sonnent parfois toujours à l’identique. Un reproche qu’on a d’ailleurs plus de mal à faire en écoutant les albums. La faute, peut-être, à une acoustique parfois difficile à maîtriser. Mais en tout cas, il manque sans doute à Motorama un peu de diversité, pour pouvoir apporter des émotions différentes et tirer vers le haut leurs prestations pourtant déjà de bonne qualité.
Le public semble en tout cas convaincu puisqu’avec difficulté, il réussi à obtenir un rappel pour la route, et autre signe, les vinyles vendus ce soir là auront tous été écoulés !
La prestation de Motorama laissera, quoiqu’il en soit, une très bonne impression, et c’est avec envie qu’on attend de les retrouver de nouveau avec de nouvelles compositions, une plus grande maturité et une plus grande confiance en eux sur scène.
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