Il est bien loin le temps où Bobby Gillespie jouait de la caisse claire derrière les frères Reid. C’était le temps où une apparition de Jesus and Mary Chain provoquait encore des émeutes, le temps où un concert des frères siamois écossais pouvait ne durer que 10 minutes – 10 minutes de bordel électrifié, puis une semaine pour ranger et faire le ménage. Par la suite, Bobby a formé son propre groupe et tout ce beau monde – Jesus, My Bloody Valentine, Ride et Primal Scream – figura le temps d’une saison sur le catalogue du label Creation d’Alan McGee. C’était au tout début des nineties. Chose étrange, à cette époque bénie du larsen, McGee était déjà un fervent supporter des Glasgow Rangers, Gillespie un inconditionnel du Celtic, et ça ne les empêchait pas pour autant de travailler ensemble – la preuve, si besoin en était, que la musique peut parfois abolir les frontières et réconcilier les cultures. Aujourd’hui, la messe est dite : les Rangers, suite à un redressement judiciaire, sont descendus en 3e division et quant aux shoegazers, ils ont la vue qui baisse et un début de brioche – des symptômes que l’on dit irréversibles et qui, désormais, leur interdisent de se perdre dans la contemplation de leurs pieds. Jim et William Reid sont rangés des voitures et Kevin Shields, tout juste bon à recycler des morceaux pour les BO de Sofia Coppola, quand il ne se perd pas en boursouflure noise type M B V, histoire de nous fourguer les chutes de Loveless vingt ans après. Mais les lunettes, la carte vermeil et les flatulences d’outre-tombe, très peu pour Bobby, merci pour lui. Bobby, lui, se porte comme un charme, plus svelte que Mick Jagger – c’est pour dire -, et sa focale est bien braquée sur 2013. Pas ailleurs.
Sur More Light, Primal Scream n’y va pas par quatre chemins : 13 morceaux, rien que ça, et 6 de plus sur l’édition CD gatefold, excusez du peu. Bien sûr, les fidèles clients de la Maison Primal Scream reconnaîtront certains modèles des collections passées, tels les rituels pastiches des Rolling Stones, ajourés de cuivres et autres breloques, ainsi que le fameux groove psyché écossais qui vient fleurir la track list jusqu’au bout du sillon. Que voulez-vous ? C’est comme de la compulsion, ou un geste nerveux, on ne se refait pas. Quand on est un escroc c’est pour la vie. Bobby le sait bien, lui qui ne rate jamais une occasion de mettre en avant ses talents de faussaire. Succès garanti. Entre parenthèses, il y a d’ailleurs là une espèce de filiation, les Stones étant de leur côté, eux aussi, des faussaires de génie. Donc rien de scandaleux, en somme. Des musiciens de renom comme Robert Plant viennent qui plus est aider les petites mains dans l’atelier de confection. Du bel ouvrage, fait sur mesure. Un brin mégalo, certes, comme le single intitulé 2013, mais il faut ce qu’il faut. Le tout forme une collection printemps/été produite de main de maître par David Holmes, le complice de Steven Soderbergh sur les BO de Hors d’atteinte et de la série des Ocean’s. Haute couture, oui, dans un style à la fois opulent et raffiné, fait de broderies pop et de fins lamés. Voilà pour la base mais, mis à part ça, l’album recèle quelques coups bien punchy (Culturecide, Sideman), des ballades ouvragées (Goodbye Johnny, Walking with the Beast) et se permet aussi des digressions surprenantes comme la plage free jazz sur le magnifique River of Pain.
Trêve de louanges et laissons plutôt le mot de la fin à Bobby, qui sait de quoi il cause : « Je pense que ce disque va rendre heureux beaucoup de gens. Les autres : Allez vous faire mettre ! [sic] ». Ce n’est pas une légende, ces Ecossais ont réellement leur franc-parler…
Primal Scream – More Light, disponible (First International)
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