Il y a quelque chose de magique dans le dernier film de Bruno Podalydès, dans cette façon dont l’art de la prestidigitation – comme dans celui du cinéma – suspend la crédulité du spectateur, le ramène à un état proche de l’enfance, qui s’étonne et s’émerveille de tout. Le principal tour que nous joue Adieu Berthe est dans sa capacité à traiter d’un sujet grave – un deuil familial – avec beaucoup de drôlerie, de légèreté et de poésie à la fois, sans jamais savoir quelle émotion, du rire ou des larmes, nous surprendra au détour d’une scène ou d’une ligne de dialogue.
Il y est donc question de magie, dans Adieu Berthe, on y fait voler des coquelicots, la malle des Indes recèle le secret du premier amour de la mémé décédée. Il y est donc aussi question d’enfance. Le personnage d’Armand, joliment interprété par Denis Podalydès donne l’impression de n’être jamais vraiment entré dans une vie d’adulte, avec son grand regard ahuri, sa trottinette électrique, dans son incapacité à faire des choix (entre sa femme et sa maîtresse), à prendre des décisions. Si bien que c’est son propre fils qui lui donne des leçons de philosophie – il vaut mieux essayer d’apporter des réponses, même si elles ne sont pas satisfaisantes, que de poser d’autres questions –, au sujet de son devoir «Qu’est-ce que pouvoir? ».
Les situations crées dans le film sont boulevardières, un adultère, un personnage de grand nigaud ballotté par son environnement. Des ressorts comiques basés sur le quiproquo, mais traités avec une immense finesse et joués par une troupe de comédiens qui donnent au métrage un vrai rythme de comédie qui ne faiblit jamais. Avec d’un côté l’exubérance de Valérie Lemercier et de l’autre, Noémie Lvovsky en pleureuse envahissante et hilarante. La mise en scène ne se contente pas de capter le jeu des acteurs, elle est très élégante dans son observation d’une petite ville de province et dans son échappée bucolico-nostalgique. Elle se permet aussi quelques envolées poétiques et fantastiques – l’apparition de Berthe dans la fleur de sa jeunesse.
On rit beaucoup dans Adieu Berthe, le film ne tarit pas d’imagination sur le commerce de la fin de vie. Des slogans farfelus des pompes funèbres – «Avec Définitif, c’est Définitif» – au financier (la pâtisserie) en forme de cercueil servi en salle d’attente, des mouchoirs format XXL proposés aux clients à la mise en scène Twilight son et lumière de la crémation. C’est souvent très drôle, jamais poussif, ça fait mouche quasi systématiquement. Et comme toute bonne comédie, Adieu Berthe, sous ses allures de farce parfois lugubre, parfois grivoise, ne fait pas l’économie de sujets plus graves sous son apparente légèreté : le choix, les regrets, le deuil, la famille. Le film parvient ainsi à retrouver une forme de formule magique qui renouvelle notre foi dans le cinéma, son pouvoir d’illusion et de tricherie auquel on veut bien croire encore, ravis et émerveillés, comme à un tour de passe-passe réalisé avec rien du tout.
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