Depuis 2011 et la sortie de Nine Types Of Light, on se demandait si l’on reverrait un jour la bande à Dave Sitek sur scène. En effet, ce groupe très soudé voyait l’un de ses membres rejoindre l’autre côté de la rive des suites d’un cancer des poumons. La disparition de Gerard Smith, bassiste historique a bien failli mettre un terme à l’aventure très réussie de Tv On The Radio. Les doutes étaient importants et c’est finalement en cette douce année 2014, après trois ans de silence, que les Américains ont refait leur apparition sous la forme d’un nouvel album dénommé Seeds.
Une bien belle nouvelle qui permet à chacun d’aller de l’avant et de poursuivre ce pourquoi Smith vivait et se battait chaque jour. D’autant plus que l’histoire de Tv On The Radio continue à éblouir son monde avec une richesse musicale d’un quasi sans faute.
Avec en prémices, un single qui est un tube aussi bien immédiat qu’évident, Happy Idiot annonçait la couleur : le cru 2014 sera de qualité. Tv on The Radio ne rate pour l’instant jamais sa cible. Certes en cinq albums, la qualité des compositions a varié, mais n’a cependant jamais été décevante. Depuis Desperate Youth, Blood Thirsty Babes sorti en 2004, que l’on peut considérer comme leur véritable premier album, les Américains ont réalisé une succession d’albums à la fois surprenants, déroutants et enthousiasmants. Car TVOTR, comme on les appelle maintenant, avait à l’époque fait une entrée fracassante dans le monde indie rock, avec un album très dépouillé, dont les traces d’un Staring At the Sun ne sont toujours pas parties au lavage du temps. Un coup d’éclat confirmé deux années plus tard par Return To Cookie Mountain que beaucoup considèrent comme étant le meilleur album du groupe.
Tv On The Radio était alors un groupe incontournable, un essentiel de la scène new-yorkaise. Le groupe avait réussi le mélange parfait du rock, de la soul et de l’électro minimaliste. La série Breaking Bad n’hésitera pas à utiliser l’excellente chanson DLZ tiré de Dear Science, pour celui qu’on appellera bientôt Heisenberg. Malgré le succès de Golden Age et autre Halfway Home, ce troisième album reste un peu en-deça des premières productions, tout comme le restera aussi Nine Types Of Light, sans pour autant être très éloigné tous deux de la qualité intrinsèque des premiers. Il suffit dans ce dernier d’écouter les chansons Will Do ou encore You, pour savoir que ces Américains ont compris quelque chose que d’autres ont sans doute cherché toute leur vie.
Alors, chaque fois on se demande si Dave Sitek et ses copains vont encore réussir à nous faire vibrer. Car plus le temps passe et plus le risque de la déception se fait présent. Happy idiot nous a donc rassurés d’entrée, voire excités davantage. Probablement l’un des tubes de l’année. Mais Careful You, deuxième single paru quelque temps avant l’album a, en revanche, un peu fait redescendre la pression : elle était moins réussie. Peut-être que le français était de trop.
Mais Seeds est enfin arrivé ! Et il tient ses promesses premières. Lancé par l’excellente Quartz, on rentre de plain-pied dans cet album. La voix incomparable de Tunde Adebimpe nous invite dans une introduction minimaliste reconnaissable entre mille et bientôt portée par une batterie et une basse ronronnante donnant à l’ensemble un caractère indéniable. Bref, une entrée en matière réussie que prolongera Careful You, mais surtout le très bon enchaînement de Could You et Happy Idiot, toutes deux résolument dynamiques et énergiques, comme rarement vu chez Tv on The Radio. D’ailleurs, il faudra attendre Lazzeray, c’est à dire la dixième chanson de l’album, pour retrouver une énergie similaire. Une de plus prête à faire décoller le public en live.
Entre temps nous aurons du Tv On The Radio pur jus. Test Pilot reprend les affaires là où Nine Types Of Light les avaient laissées, dans un style toujours épuré. Par moments, on a l’impression d’entendre Kélé Okereke de Bloc Party au chant. Le rythme se veut plus lancinant, mais sera bousculé sur Love Stained malgré une entrée en matière toujours suspendue dans le temps et accélérée comme à la vieille époque de Desperate Youth par ce qu’on pourrait décrire comme des détails, mais aux effets immenses. La vraie touche des Américains.
C’est alors qu’intervient Ride. On se croirait dans la BO d’un film dramatique où l’on se laisse aller à l’imagerie habituelle pour finalement se faire surprendre par une rythmique tout de suite plus avenante et finalement assez traditionnelle. C’est donc assez à l’aise qu’on aborde Right Now, autre petite pépite de l’album à la mélodie entraînante et maîtrisée à la perfection. La progression tout en naturel de la chanson parvient à retranscrire parfaitement l’émotion et suffit à elle seule à démontrer aux encore septiques que TVOTR est placé très haut dans la hiérarchie. Difficile de ne pas la repasser une deuxième fois avant d’aller plus loin. D’autant plus que Winter casse un peu l’ambiance en se voulant plus agressive sans vraiment vouloir exploser. Elle se sacrifie certainement pour mieux introduire Lazerray qui elle ne fait pas dans le détail et tant mieux.
Trouble se chargera avec Seeds de finir l’album en beauté, apportant la charge émotionnelle qui ne manquait pas vraiment et finira par achever les plus résistants. Trouble notamment qui fait on ne peut mieux le job, grâce à une construction intelligente et à une mélodie impeccable. Seeds sera elle bien servi par un piano magique qu’on entend peut-être malheureusement trop peu, mais qui fait monter l’ambiance générale et qui vient rendre hommage à un album qu’on ne peut qu’apprécier.
Seeds est donc un excellent album tout en équilibre. Un peu plus engagé musicalement que d’habitude. La voix de Tunde Adebimpe est toujours bien présente et essentielle, mais ce n’est plus tellement l’élément majeur. On retrouve par contre la même production, pensée au détail près. L’album est propre, aucun élément ne vient perturber l’affaire. Dave Sitek est passé maître en la matière, n’a plus rien à prouver, mais le fait malgré tout. Tv On The Radio parvient encore une fois à insérer des chansons fortes et très directes à un album très travaillé qui permettent une écoute régulière et toujours renouvelée. Même si certaines compositions apparaissent comme étant plus faibles, elles s’intègrent parfaitement à l’univers franchement à part du groupe et au fond, c’est plutôt cela qui est important.
Note: