TONY COELHO
Contrairement aux années précédentes, 2016 a été une bonne année de concerts. Quelques remarques avant de laisser place au classement…
N’auront pas la chance d’être dans ce classement, des artistes de la trempe de PJ Harvey qui, fort d’un concert esthétiquement agréable a manqué d’un peu d’électricité pour combler l’écart. Concernant Rodrigo y Gabriela, c’est d’un poil dont il s’en est fallu, de même pour Flavia Coelho qu’on ne peut dissocier des artistes avec qui elle partageait l’affiche, lors de son concert toulousain. De son côté, DJ Pone longtemps dans le classement se voit aussi coiffé au poteau.
Une petite pensée pour A State Of Mind qui aura agréablement surpris sur scène, pour les plus méconnus Johnny Montreuil, vraiment excellent sur le off de Art Rock et les jeunes pousses de Colorado, aussi dans le festival briochin.
Jacco Gardner aura déçu, trop court, trop propre, pas assez de folie, alors que la matière est bien là, attendant d’être mise en valeur. Tout comme Two Door Cinema Club, dont on doute qu’il retrouve un jour la grâce des premiers instants. Mais c’est surtout Birdy Nam Nam qui gagnera la palme de la médiocrité cette année, avec un concert franchement décevant.
Place aux gagnants de l’année !
1 – The Cure – Park & Suites Arena – Montpellier
Avec 2h40 de concert, aucune chanson moyenne, une vraie envie, une mise en scène impeccable et flamboyante.. Comment ne pas passer un moment inoubliable ? Certes, les « nouveaux » papys du rock ne proposent rien de neuf, mais des claques, ils savent en mettre et on n’arrive toujours pas à les esquiver. Ce set était plus enjoué que ceux que l’on a pu voir auparavant, pas forcément notre préférence mais c’était beau et intense. Mythique.
2 – Feu ! Chatterton – Art Rock – St Brieuc
On était déjà en fin de festival, on avait vu de belles choses et pourtant en voyant arriver sur scène les petits frenchies, on ne s’attendait pas à assister au concert de l’année. Avec classe et charisme, le groupe enchaine les tubes et entraine le public dans son sillon. La Malinche finira par tous nous achever. Le public aura beau en redemander, la magie s’est dissipée bien vite pour mieux marquer les esprits. Grandiose.
3 – The Shoes – Bikini – Toulouse
On ne connaissait que peu de choses de The Shoes en y allant. Les extravagances surtout et on peut dire que se fut une grosse surprise. Le concert donné ce soir-là n’était pas calibré pour les festivals comme d’autres artistes savent le faire. Plein de surprises, d’énergie d’envolées électriques et de fougue, sur scène comme dans le public qui bouge, crie, c’est fabuleux ! Bluffant.
4 – Wax Tailor – Bikini – Toulouse
Derrière sa platine, Wax Tailor toujours aussi serein et disponible, se transforme en bête de scène. Les titres se suivent et ne se ressemblent pas. Tous les styles musicaux sont ici revisités, avec la présence d’artistes qui se succèdent, se défient à qui sera le plus entrainant. On prend plaisir dans ce melting pot et tout ça dans une durée concert des plus acceptable. Enrichissant.
5 – The Divine Comedy – Bikini – Toulouse
Arrivé sur scène – comme souvent – en Napoléon, Neil Hannon est un véritable showman, un gai-luron toujours prêt pour une bonne plaisanterie. Toujours avec son verre à proximité, il dégage une telle classe et présence sur scène qu’on ne peut qu’adhérer au concept. Les chansons jouées n’étaient pas les plus attendues, mais voilà un véritable artiste qui n’en fait qu’à sa tête et qui malgré tout, réussit son pari. Classe.
6 – Ben Harper – Zénith – Toulouse
Avouons-le, on n’attendait pas grand chose du bonhomme ce soir-là. Et pourtant. Dès la première chanson, on retrouve le Ben Harper qu’on aimait écouter dans notre jeunesse. Le type a de la prestance, un groupe solide, et une voix ! Avec une Faded un poil longue, mais toujours énorme en concert et un passage a capela simplement époustouflant, Ben Harper nous aura fait profiter du catalogue comme jamais. Impressionnant.
7 – Pixies – Bikini – Toulouse
Voilà un classement qui fait la part belle aux vieilles idoles. Mais le concert de l’ami Frank Black et de sa clique était une agréable surprise. Tout d’abord parce que les nouvelles chansons trouvent avantageusement leur place sur scène et aussi parce que la dernière fois qu’on les avait vus en 2011, ils étaient bien fades. Entendre les perles des Pixies sur scène, c’est toujours un plaisir, surtout quand ils tiennent la forme. Revigorant.
8 – Thylacine – Art Rock – Saint Brieuc
Un peu de nouveauté avec Thylacine, une belle découverte de l’année. Avec un album fabriqué à partir de sons réels du Transsibérien, le jeune homme nous fait littéralement voyager au gré de ses digressions sonores. La mise en scène assez sommaire est largement compensée par une musicalité indéniable, qui nous scotche devant la scène, nous faisant même oublier la tête d’affiche qui joue sur la grande scène au même moment. Envoûtant.
9 – The Twilight Sad – Park & Suites Arena – Montpellier
On attendait beaucoup de ce groupe découvert sur le tard, à tel point qu’on n’avait pas pu intégrer leur dernier album dans le Top 2014. Vu en première partie de Cure à Montpellier, le set fut court mais intense. Les chansons magnifiques et la bougeotte façon Ian Curtis du chanteur ne suffiront pas pour permettre au groupe de se hisser plus haut dans le classement. Prometteur.
10 – Mr Crock – Bikini – Toulouse
Et pour finir, une petite sucrerie avec les Français de Mr Crock, première partie de The Shoes au Bikini. Grand bien nous a pris d’arriver tôt, car ça en valait vraiment la peine. La prestation pleine d’envie et de passion, nous a pris à la gorge au point de nous faire dire que si le groupe suivant n’est pas à la hauteur, on aurait quand même vu un bon concert ce soir-là. On aimerait les revoir bien vite. Euphorisant.
YANNICK LACOMBE
1- Tinariwen – Le Bataclan (Festival des Inrocks)
2- LCD Soundsystem – Bois de Vincennes (We love Green Festival)
3- Tame Impala – Zénith de Paris
4- DJ Pone – La Gaîté Lyrique
5- The Shoes – L’Olympia
6- Parquet Courts – Grande Halle de la Villette (Pitchfork Festival)
7- Suuns – Cabaret Sauvage
8- Foals – Olympia
9- Air – Bois de Vincennes (We love Green Festival)
10- PNL – Bois de Vincennes (We love Green Festival)
FREDERIC RACKAY
1 – SUUNS – Le Metronum, Toulouse
Avec Hold/Still, les Canadiens ont poussé encore un peu plus loin leurs intentions dans la radicalité, avec des ambiances basées sur des motifs répétitifs et anxiogènes. La scène est le lieu où les morceaux du groupe trouvent leur pleine expression, leur force d’impact et de sidération. Un concert de Suuns devient alors une expérience physique et mentale où la recherche de la transe est permanente.
2 – Radiohead – Lollapalooza Festival, Berlin
On était fâchés avec Radiohead depuis ce King of limbs, dont les morceaux valent cependant plus en live que dans leurs versions studio. Avec A moon shaped pool, le groupe a retrouvé une inspiration proche de celle des débuts, qui nous a donné envie de croiser leur route de nouveau sur scène. C’est à Berlin que les retrouvailles ont eu lieu, dans un contexte de festival où Radiohead a délivré un set assez intransigeant en terme de choix de morceaux, pas très rock, très orientés vers les deux derniers albums, mais très cohérent dans sa globalité. Et puis quel plaisir de réentendre des titres comme Let down et Creep !
3 – La colonie de vacances – Le Bikini, Toulouse
Il faut avouer que l’on s’ennuie parfois en concert, la faute à un manque d’ambition, à une absence d’audace. Le concept de La colonie de vacances est dans ce contexte une expérience complètement inédite. Quatre groupes de la scène noise/ indé française – Pneu, Marvin, Papier Tigre et Electric Electric – jouent chacun sur une scène différente en mode quadriphonique, avec le public situé au milieu de la salle. Les musiciens jouent tantôt en faisant tourner le son, tantôt en même temps, tantôt en se répondant et on comprend très vite que la seule réaction face à ce son qui nous parvient de toutes parts est un immense pogo qui secoue le public entièrement.
4 – Moderat – Toulouse, Le Bikini
Les Berlinois savent y faire en terme d’efficacité à défaut de subtilité. Le show est conçu pour faire la part belle aux tubes du groupe, soutenus par des visuels et un light show aux petits oignons. Le public ne s’y trompe pas et réagit au quart de tour. Un album live viendra logiquement couronner cette tournée qui conclut en beauté la première trilogie du groupe.
5 – Girl Band – This is not a love song festival
Sans doute le meilleur concert de ce week-end de festivité nîmois, Girl Band, idéalement programmé sur une petite scène qui permet la proximité avec le groupe. Dara Kiely, le chanteur est impressionnant de tension contenue, on n’est pas étonné d’apprendre qu’il a fait des séjours en institution psychiatrique tellement il donne l’impression d’être en permanence sur la brèche. La musique de Girl Band n’est pas à proprement parler très confortable, elle est plutôt du genre à gratter là où ça fait mal.. Mais quelle claque !
6 – Pixies – Le Bikini, Toulouse
On y allait sans en attendre beaucoup de ce concert des Pixies, programmé au Bikini pour rôder sa tournée des festivals estivaux. Et pourtant, le groupe a cassé la baraque avec un set sans aucun temps mort, joué pieds au plancher, enchaînant sans coup férir tous leurs tubes imparables, avec une énergie communicative. Un vrai bonheur.
7 – The divine comedy – Le Bikini, Toulouse
Même si Foreverland, le nouvel album de The divine comedy, ne s’éloigne jamais beaucoup de la zone de confort de son chef d’orchestre, il faut admettre qu’en concert, Neil Hannon fait preuve de beaucoup de générosité, sans cabotinage excessif mais avec son humour habituel. En ces temps de sinistrose ambiante, c’est déjà beaucoup.
8 – Ben Harper & The Innocents Criminals – Zénith de Toulouse
Avec un nouvel album prétexte à repartir sur les routes avec ses Innocents Criminals, Ben Harper a donné dans un Zénith plein comme un œuf un concert d’une immense générosité. Peu de titres du dernier opus joués ce soir-là , l’essentiel est ailleurs, dans la relecture des classiques du groupe, manifestement très complice sur scène et heureux de jouer ensemble. Cerise sur la gâteau : la reprise de Under Pressure, l’une des plus belles chansons du monde, avec The Jack Moves qui faisait la première partie ce soir-là.
9 – Algiers – This is not a love song festival
Le premier album éponyme du groupe est une fusion moderne de musique gospel avec des sonorités issues du hip hop, du rock, du post punk. Un mélange déjà détonnant sur disque mais qui trouve sa véritable incarnation en live, avec Franklin James Fisher, le chanteur ultra charismatique dont on a l’impression qu’il prononce des incantations, parfois à genoux, frappant la scène de son tambourin autour de lui comme s’il incarnait un rituel de purification pour éloigner les mauvais esprits, de façon quasi chamanique. Ryan Mahan, à la basse et à la programmation n’est pas en reste, lui aussi habité par la musique dans une forme de transe qu’il transmet à un public sidéré.
10 – Car seat headrest
Véritable phénomène de l’indie rock, Will Toledo alterne aussi bien les balades folk avec ses tubes low fi inspirés par Pavement et la scène underground américaine. D’abord raide comme un piquet, Will Toledo se lâche petit à petit, en même temps qu’il fait monter l’ambiance avec des titres aussi imparables que Vincent, Fill in the blank, Drunk Drivers/ Killer Whales ou Connect the dots (qui inclut un extrait de Gloria), sur lequel il esquisse quelques pas de danse. C’est sûr, le bonhomme a beaucoup de talent et une qualité de songwriting très précoce, aussi bien poétique que réaliste dans la description de la vie d’un teenager américain.