La Petite est une structure toulousaine spécialisée dans l’accompagnement artistique, le développement de projets et le soutien de créations innovantes. L’association a accueilli en 2009 le festival itinérant Les femmes s’en mêlent avec plusieurs soirées au Théâtre Garonne et a invité l’an dernier le festival électronique lyonnais Les Nuits sonores pour quatre nuits festives et exigeantes. Véritable succès public avec 8 000 spectateurs, 30 artistes accueillis et huit lieux différents visités, La petite a réitéré cette année son invitation aux Nuits Sonores. Le festival s’est installé, cette fois, dans six lieux à l’image de la Ville Rose, entre patrimoine culturel et dynamique urbaine, avec une programmation ambitieuse, mélangeant l’esprit défricheur avec la confirmation de talents.
Direction le Bikini, pour la première soirée, avec les Anglais de Death In Vegas dont on mesure – quand ils apparaissent sur scène – le côté protéiforme, en constante mutation. Du line up initial, composé de ses co-fondateurs historiques, Tim Holmes et Richard Fearless, seul le second est présent sur scène, entouré d’un groupe jeune dont le guitariste, chevelu, donne l’impression d’être issu d’un groupe de metal, look et attitudes inclus. Le cinquième album du groupe, Trans-Love Energies, sorti quelques semaines plus tôt, se situait davantage dans un esprit electro dark très torturé plutôt que dans celui du psychédélisme rock des débuts, avec un son lourd et industrieux, moite et inquiétant. Tel ce diptyque qui ouvre les hostilités sur le disque, un Silver Time Machine hypnotique et envoûtant qui débouche sur la rythmique puissante de Black Hole, comme la sortie du tunnel d’un groupe au bord de la rupture, dont on n’avait pas eu de nouvelles depuis cinq ans. Ces deux morceaux ne seront malheureusement pas joués ce soir, le groupe ayant choisi de démarrer en territoires familiers avec Leather et Girls, deux titres phares de leur album Scorpio Rising que Richard Fearless joue bizarrement dos au public. Il poursuit aux claviers avec Your loft my acid et le set se concentre alors logiquement sur les titres du dernier opus, alternant avec les classiques du groupe dans des versions remixées comme ce Aisha dont subsiste uniquement la voix samplée de Iggy Pop et Dirge où Richard Fearless se charge des vocalises, ruinant la beauté vaporeuse de la version studio portée par la voix de Dot Allison. On évite cependant la faute de goût in extremis, malgré un groupe peu subtil, qui joue très fort et un light show excessif en recherche constante de l’effet de transe. Death in Vegas a choisi de gonfler ses muscles plutôt que d’exhiber ses plaies, le groupe est efficace à défaut d’être touchant.
On passe de la soirée d’ouverture directement à la clôture du festival avec le concert de Chilly Gonzales à la Halle aux Grains. La salle accueille habituellement des concerts classiques, ce qui tombe bien car le Canadien vient accompagné d’un quintet : trois violonistes, un violoncelliste, un batteur et lui-même au piano. Génial et mégalo, montant sur scène en chaussons et robe de chambre en soie, Gonzales livre un one man show bourré d’humour d’une heure quarante qu’on voit à peine passer et réussit le cross over improbable entre la musique classique à la Erik Satie et les codes du hip hop et du rap. A la façon de La boîte à musique de Jean-François Ziegel, mais en infiniment plus drôle et moins pédagogique, il explique pourquoi les accords majeurs sont de droite et les accords mineurs de gauche, donne une leçon de solfège avec les différents rythmes musicaux (le quatre-quatre, le trois-quatre et celui de son invention : le six-huit) puis «viole» son piano avant de s’offrir une pause intimiste au coin du feu de l’application cheminée de son Ipad. Le spectacle, manifestement parfaitement réglé dans sa construction et écrit dans ses interventions laisse peu de place à l’improvisation mais permet à Gonzales de libérer sa folie et son talent de musicien. Gonzales n’oublie pas qu’il joue dans un festival electro et nous offre un tutoriel d’une application de remix de sa tablette Apple, dont il a d’ailleurs écrit le thème du premier spot télévisé ! C’est drôle, excessif, décalé, un pur régal. Le public de la Halle aux Grains ne s’y trompe pas, réservant un véritable triomphe à cette performance qui constitue l’unique date française de la tournée. On savoure d’autant plus ce moment !
Au terme de quatre jours de festival, le bilan du festival La petite invite # Les nuits sonores s’avère un succès aussi bien artistique et humain qu’une réussite de fréquentation, puisque plus de 9 000 spectateurs ont assisté aux différents événements programmés pendant ces quatre jours. La structure propose d’ores et déjà de voter pour le festival invité l’année prochaine, on se prend à rêver : l’ATP Festival ? Pitchfork ? Coachella ? Primavera ?… Début de réponse dans les prochains mois…
Death In vegas – Toulouse, Le Bikini – Jeudi 3 novembre 2011
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The Unspeakable Chilly Gonzales & His Quintet – Toulouse, La Halle aux Grains – Dimanche 6 novembre 2011
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