Après un détour diversement apprécié par le blockbuster, M. Night Shyamalan revient à ses premières amours : la peur. Il le fait avec un film qui ne paie tout d’abord pas de mine, prenant le chemin déjà très emprunté du found footage. Il se pourrait bien, pourtant, que ce nouvel opus soit le signe d’un renouveau substantiel pour le cinéaste. Car, si ses compétences en matière de mise en scène ne faisaient guère de doute, la tendance à la grandiloquence de ses précédents films pouvait gâcher le plaisir. Or bonne nouvelle : l’humour se révèle très présent dans The Visit.
Loretta Jamison a rompu contact avec ses parents après qu’elle ait contracté un mariage malheureux, il y a des années, contre leur approbation. Séparée de son mari, elle conserve la garde de ses deux ados, Rebecca et Tyler. Un beau jour, ses parents manifestent pourtant le souhait de rencontrer leurs petits enfants. Loretta accepte donc de les envoyer passer quelques jours chez leurs grands-parents. Rebecca, l’aînée, décide de tirer de ce voyage un documentaire. Avec derrière la tête l’idée de soutirer le pardon des grands-parents envers leur fille. Une fois sur place, le séjour prend une tournure inattendue quand le vieux couple se met à agir de façon très bizarre. Rien de mieux pour faire fonctionner l’imagination des deux ados. Et pour faire virer le scénario de réconciliation familiale de Rebecca à la comédie horrifique.
Même si dans le domaine de l’horreur et du fantastique, le recours au found footage a depuis un moment dépassé l’overdose, Shyamalan réussit à en tirer bon parti. L’outil trop souvent prétexte pour se passer de mise en scène devient ici ressort comique. Devant l’objectif passent une succession de personnages qui s’amusent de la présence de la caméra, comme le contrôleur du train qui signale ses talents d’acteur et fait son numéro, et le petit Tyler profite quant à lui du fait d’être filmé pour se lancer dans des improvisations de slam. Quiconque a déjà tenu entre ses mains une caméra amateur, pour filmer sa famille et ses copains, sait bien comment l’entourage en prend prétexte pour s’adonner au cabotinage. En captant cela, Shyamalan fait gagner son film en authenticité. Le film est parfaitement crédible en tant que réel document filmé par une ado, on y croit tout du long.
Ceci à plus forte raison que quand la peur s’invite, c’est grâce à des effets tout basiques, mais très efficaces. Il suffit de balancer dans le scénario une interdiction inquiétante (ne pas sortir de sa chambre à 21 h) et d’avoir recours au bon vieux hors champ pour réussir à effrayer. The Visit installe une terreur du quotidien, celle bien connue de ceux qui, enfants, aimaient jouer à se faire peur à partir de petits détails anodins. Une terreur qui naît des agissements étranges des grands-parents, mais si facilement imputables à la vieillesse et des divers indices parsemés ici et là, propres à faire fonctionner l’imagination. Si bien que le film réussit sans peine à offrir sa poignée d’authentiques moments de trouille, ceux qui font se caler au fond du siège et serrer les accoudoirs.
Alors que le cinéma d’horreur, sinistré, s’est mystérieusement réduit à ne plus proposer qu’effets tonitruants et tartines gore inopérantes, The Visit se pose comme vrai film de mise en scène. La révélation finale est ainsi brillamment amenée, l’évidence qu’on avait sous nos yeux depuis le début étant simplement dévoilée par l’introduction d’un nouveau regard au sein-même du cadre. Aussi basique au fond que La Maison du diable, The Visit pourrait bien se poser comme nouveau départ, sur des bases assainies, et pour Shyamalan et pour le genre horrifique.
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