The Entrance Band était en concert à la Dynamo en début de semaine. Il faut dire aux Français que tous les Américains ne sont pas forcément obsédés par l’idée de conquérir le monde. Guy Blakeslee, leur chanteur, avait conclu notre entretien en ces termes. Même s’il parlait politique, au vu des quelques dizaines de personnes présentes dans la salle ce soir-là, j’avoue n’avoir aucun mal à le croire. Entrance ne semble pas vraiment sur le point de conquérir la France. Après un passage par l’Espagne et le pays basque, Toulouse sera leur seul concert dans l’hexagone pour la tournée 2014. Le groupe a déjà filé vers l’Italie sans même un arrivederci.
Comment expliquer ce manque d’intérêt ? Entrance, bien sûr, ne bénéficie pas d’une grande couverture médiatique mais, quand même, de là à faire ce genre de flop… Au-delà des ruminations sur le revivalisme psyché – je dis ça parce que Entrance joue souvent dans un registre psyché et même plutôt heavy, si vous voyez ce que je veux dire –, pas la peine de se torturer le cerveau pour savoir si ce concert valait le détour. Parce que c’était juste terrible. Sur scène, ils sont trois. Derek occupe le centre avec sa batterie et, pour une raison ou une autre, il s’avère que c’est aussi un bourreau des maracas. Guy fait griller les amplis, sa guitare est accordée à l’envers, comme celle de Hendrix, et il vocalise comme un dément tout en dévalant la pente sur des solos. Quant à Paz, eh bien, euh, comment dire…? Je vous laisse juste une photo pour que vous puissiez vous faire une idée.
Dès ses débuts, aux alentours de 2003, Entrance a vite été repéré. Ils ont tourné avec Sonic Youth. Paz Lenchantin a joué dans A Perfect Circle et Zwan (le supergroupe formé par Billy Corgan en 2002). Elle a aussi fait une apparition sur un disque de Queens of the Stone Age et vient d’être recrutée par les Pixies pour leur nouvelle tournée. Rien que ça. Après, que rajouter ? La fleur préférée de Guy est la lavande et il dit aussi qu’on compare souvent le groupe à Violent Femmes mais qu’il ne sait pas pourquoi. Entrance est réellement un groupe à voir jouer live. Sur scène, ils développent un groove puissant qui va puiser son inspiration dans des registres très différents – Guy parle facilement de multiples influences, Hendrix, Can, Neu ou même la musique africaine –, les morceaux s’étirent étrangement et virent à l’improviste dans des directions surprenantes, toujours avec un max de densité. Alors quoi, le rock est mort, une fois de plus ? La dernière fois qu’on nous a dit ça, c’était déjà un canular. Mais la question demeure : pourquoi si peu de monde pour un rock band qui se donne à fond et navigue à travers les genres avec un quota de magie indéniable ?
C’est vrai que, mardi soir, Didier Deschamps annonçait en direct sur TF1 – le partenaire officiel de l’équipe de France – la liste des 23 joueurs sélectionnés pour le Brésil. Mais bon, est-ce une raison valable pour rester à la maison, faire une recherche Google sur Schneiderlin et gloser sur les tweets de la meuf à Samir Nasri ? Peut-être aussi que le mardi n’est pas un jour propice aux concerts ou que le samedi c’est mieux pour la soûlographie ? Allez savoir, il s’agit peut-être d’une simple histoire de bande passante, hein. Quoi qu’il en soit, merci à Stéphane Deuxmille (qui les a fait venir). Merci à DD pour ses choix judicieux. Et merci à Entrance pour envoyer le bois même devant une petite audience. Les meilleurs concerts ne sont pas forcément ceux qui attirent les foules.
The Entrance Band – La Dynamo, Toulouse – Le 13 mai 2014
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