Le cinéaste hong-kongais Tsui Hark nous revient et permet de retrouver le personnage du juge Ti, héros de la culture populaire chinoise, déjà héros d’un premier volet.
Disons-le d’emblée : avec cette suite des aventures du détective, Tsui Hark signe le film de grand spectacle le plus novateur et moderne que nous verrons cet été. Soit un usage ultra-ludique de la 3D, mise à profit de l’intrigue et du sens – loin d’être un simple gadget -, intervenant directement sur la signification du plan.
Pour résoudre le mystère du monstre marin ayant causé la perte d’une partie de sa flotte, l’impératrice Wu fait appel aux services du juge Ti, venu à Luoyang prendre ses nouvelles fonctions. C’est le début d’une intrigue complexe et foisonnante.
Pour orchestrer le spectacle, Tsui Hark déploie une mise en scène d’une inventivité sans limite. La 3D a trop souvent gâché bien des films pourtant chargés en potentiels, ayant à de nombreuses reprises seulement servi à opacifier l’image, à créer une sorte de bouillie visuelle censée flatter l’œil (Joe Dante a parlé de “eye-candy”), encore plus indéchiffrable à cause de la surenchère d’effets spéciaux pétaradants. Quelques exceptions notables, au premier rang desquelles Gravity, sublime expérience immersive où le cadre traditionnel de l’écran, confondu avec le noir de l’hyper-espace, se trouvait aboli.
Detective Dee II s’essaie encore à un autre usage. D’une part, le relief permet au metteur en scène de jouer d’effets de superpositions, ce qui l’autorise à envisager la composition au sein du cadre d’une nouvelle manière (d’ailleurs, écrire “mise en scène” n’a plus vraiment de sens ici : mise en cadre, voire mise en perspective ?). Façon de brouiller les repères et de faire vaciller nos définitions du cadre cinématographique. Le champ n’a jamais été aussi illimité. Aussi et surtout, Tsui Hark combine la 3D à des effets de ralenti, ce qui lui permet de rendre à l’écran la transposition de la vision du personnage. Mais il ne s’agit pas ici d’une simple retranscription mécanique de ce qu’enregistre l’œil du protagoniste. Bien plus, il s’agit d’une traduction visuelle de son état mental. Alors que Dee évolue au fil de son enquête, un élément déterminant contenu dans le plan de manière indifférente peut alors être isolé et amené au premier plan. Le film, très chargé en images de synthèse, devient un objet hybride à la frontière du dessin animé (mais un dessin animé tendant au maximum de réalisme) où l’identification de la caméra à l’œil n’a plus guère de sens. L’œil, ici, s’est totalement affranchi de la technique lourde pour épouser le point de vue qui lui convient et acquérir une liberté de navigation sans limite au sein du plan. De la même façon, dans les nombreuses scènes de combat, cette forme de mise en scène permet de décomposer les éléments de l’image, d’en augmenter la lisibilité. Le point de vue adopté permet de focaliser sur un détail signifiant et de le déplacer au centre du plan. Bref, l’adéquation entre ce qui est montré sur l’écran, la vision du protagoniste et son processus mental est parfaite.
En plus de tout cela, ce Détective Dee II offre une histoire épaisse chargée en lyrisme, des scènes d’action virtuoses dont cette inoubliable séquence où les personnages se battent suspendus à des cordes au-dessus d’un précipice. S’il y a un cinéma qui aujourd’hui travaille à repousser les limites de la représentation et ouvre le champ des possibles, c’est bien celui-là.
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