David Lynch : The Art Life, le portrait intime d’un artiste total magnifiquement révélé.
De David Lynch, on ne sait presque rien.
L’artiste a toujours laissé parler ses œuvres, créations singulières, hors normes et énigmatiques au pouvoir de fascination immédiat.
Les interviews sont rares et il réserve son intimité à un cercle d’amis très proches préférant un rapport solitaire à la création qu’il voit comme une excroissance de sa vie et de son univers mental.
La force du documentaire est avant toute chose de montrer l’artiste au travail. Un travail auquel il dédie sa vie depuis l’enfance. Ici, aucune chose triviale n’est montrée. Il y a quelque chose de grave, de profondément viscéral dans le lien qu’entretient David Lynch avec la matière, la peinture et le dessin.
Il passe littéralement sa vie à peindre, du matin au soir, dans son studio californien, dans les hauteurs de Beverly Hills. Sauf lorsqu’il fait des films.
La vie extérieure ne fait que de rares intrusions dans cet univers fermé, protégé et vierge.
Le portrait dressé par Jon Nguyen, Rick Barnes et Olivia Neergaard-Holm n’en est que plus précieux et émouvant.
Jon Nguyen n’en est pas à son coup d’essai avec David Lynch. En 2005, il signe Behind the Scenes pendant le tournage d’Inland Empire et collabore deux ans plus tard au documentaire Lynch avant de boucler The interview project pour l’Allemagne, présenté par le maître.
Mais jusqu’à lors, ces documentaires n’avaient jamais vraiment transpercé l’intimité et le système mental de l’artiste. John Nguyen avait pourtant essayé. En vain. Lynch se réfugiant toujours derrière ses œuvres.
Alors pourquoi maintenant ?
L’artiste arrive à un âge où il a besoin de partager certaines histoires de sa vie, son rapport à ses parents, à ses amis et de verbaliser ses souvenirs.
La naissance de sa dernière fille, maintenant âgée de 4 ans, a accéléré ce processus, cette envie d’ouverture, cette volonté de laisser quelque chose de différent. De ce point de vue, le documentaire revêt un caractère crépusculaire et irrationnel totalement magnétique.
Ce qui est passionnant dans ces histoires d’enfance, c’est de voir à quel point la vie de l’artiste et son œuvre sont connectées. Il y a de nombreuses anecdotes étranges sur son enfance que l’on peut facilement rattacher à son style et à son œuvre. Quand enfant, il croise une femme qui traverse la rue complétement nue, on pense instantanément à Blue Velvet.
De nombreux motifs de sa vie trouvent une expression plus ou moins souterraine dans ses films, sa musique ou sa peinture.
Le nom même du documentaire, The Art Life, a été choisi par Lynch en personne et traduit bien le caractère indissociable entre sa vie et sa création.
Ce qui est très beau dans le documentaire, c’est aussi de voir sa fille évoluer dans le studio de son père, avec innocence et curiosité. Sait-elle vraiment qui il est ? En prend-elle réellement la mesure ? Sans doute pas consciemment. Et ce rapport presque naïf à son père, ce génie du siècle, le positionne immédiatement à hauteur d’homme, en perce les failles intimes.
Et puis le documentaire se présente aussi comme un objet artistique à la hauteur des exigences stylistiques de David Lynch.
Le travail sur le son et le découpage est remarquable, tout comme la photo, toute en contraste, qui convoque les univers labyrinthiques d’Eraserhead ou de Mulholland Drive.
David Lynch : the Art Life est une œuvre puissante, précieuse et passionnante sur l’un plus grands artistes contemporains.
Note:
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