Avec le très réussi Logan, James Mangold offre un western crépusculaire ultra-violent à Hugh Jackman, en guise d’adieu au personnage de Wolverine,
Logan est fatigué, usé par un mal mystérieux qui l’habite et retranché aux marges d’une société post apocalyptique.
Il navigue entre les drogues qui l’apaisent, les petits boulots de chauffeur et la sécurité du professeur Xavier, caché dans une usine au beau milieu du désert américain.
Logan regarde la mort en face tout en interrogeant le sens de sa vie et de ses valeurs.
Alors qu’il rêve d’absolu en voulant prendre la mer et rejoindre les terres de l’utopie, une jeune fille débarque dans sa vie, armée de lames aussi acérées que les siennes et d’un sens de l’ultra violence rarement vu au cinéma chez un personnage de cet âge.
Logan n’est en aucun cas un nouvel opus de la saga X-Men mais au contraire en totale rupture avec les codes habituels des franchises de super héros.
Il ne s’agit pas de l’énième volet d’une plateforme destinée aux adolescents et ayant comme vocation à faire vendre des jouets.
Le film est interdit au moins de 17 ans aux Etats-Unis et vise donc clairement un public adulte. Ce classement est résolument assumé par la production dès l’écriture du film et James Mangold repositionne le long métrage dans un espace de liberté artistique tout autre que celui de la saga.
En faisant l’ouverture du dernier Festival de Berlin, Logan a trouvé sa juste place. Celle d’un film qui offre un vrai regard tout en étant un grand divertissement. Finalement, et toute proportion gardée, comme l’était le chef d’œuvre de George Miller – Mad Max : Fury Road – lors de sa récente sélection hors compétition au Festival de Cannes.
Au fond, il appartient à la même veine que les grands westerns Fordiens, les chefs d’œuvre de la SF – Terminator 2 en tête – ou les films de territoires comme Sicario par exemple.
Inutile donc de connaître sur le bout des doigts son petit abécédaire des X-men, le film se suffit à lui-même.
On pense beaucoup à Terminator 2 car le décorum du film est résolument ancré dans le réel et il s’agit d’une course en avant face à des forces indestructibles et hyper sophistiquées.
Alors que James Cameron jouait la carte de l’action thriller ultra contemporain, Mangold se met à hauteur d’homme et dissipe de la fragilité dans tout son dispositif en prenant le temps de la contemplation et des rapports humains.
L’Ouest Américain est filmé avec une profondeur de champ inouïe et les scènes de communauté nous remémorent la simplicité, la beauté et la tradition du western.
Aucun flashback sur les exploits passés des X-men et aucune auto dérision à la Iron Man. Les mutants n’apparaissent que par le biais de BD laissées à la poussière du temps.
La frontière artistique voulue par Mangold est très claire.
Au-delà de l’ambition du film et de sa réussite, il trouve aussi un contre point politique.
Le film se vit également comme un film de réfugiés qui n’ont nulle part où aller. La jeune fille, mexicaine, rêve, elle aussi, comme Logan, de nouveaux territoires utopiques. Rallier le Canada et vivre sa vie avec ceux qu’elles aiment, une bande de jeunes mutants sur exploités par l’industrie des armes et en exil permanent.
Cette allégorie fait écho et soulève des questions dans un contexte où l’Amérique est en train de perdre son âme et bafoue ses droits civiques.
Le film est également très beau dans le lien qu’il entretient avec son acteur principal, Hugh Jackman.
Le comédien australien lutte depuis 2013 contre un cancer de la peau récidiviste et sa décision d’arrêter d’incarner le personnage de Wolverine est très lié à son état de santé précaire. Le film est en quelque sorte un tombé de rideau – temporaire – sur sa vie d’acteur.
James Mangold filme Logan, habité d’un mal irrévocable, au plus près de son corps, de ses cicatrices, de ses plaies béantes, de ses convulsions. Difficile de passer outre la douleur d’un personnage de celle de son interprète dans ces circonstances. Le film prend une dimension émotionnelle très forte en brassant les thèmes du deuil et du renoncement.
Même si le film aurait pu être resserré d’une vingtaine de minutes car il souffre de quelques longueurs, il n’en reste pas moins un pur moment de cinéma pétri de fulgurances ultra-violentes et de moments de grâce à l’image de son épilogue somptueux qui au détour d’un plan magistral clôt un chapitre bouleversant : celui d’une communauté exilée face à la mort.
Note:
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