Typiquement, The amazing Spider-man est le genre de film conçu pour de mauvaises raisons, absurdement financières et économiques, affirmant la toute-puissance d’un studio – ici Sony – au détriment d’un artiste – Sam Raimi. Résumons : la trilogie réalisée par le metteur en scène d’Evil Dead entre 2002 et 2007 a rapporté la bagatelle de 2,5 milliards de dollars à Sony, a recueilli un accueil critique des amoureux du comics très positif et n’est pas loin d’être considérée comme un modèle définitif du film de super-héros. On aurait pu croire que le studio donnerait les coudées franches au cinéaste pour un quatrième opus, mais en 2009, la séparation est consommée suite à de profonds désaccords sur le scénario et le bad guy que Sam Raimi veut absolument imposer dans ce quatrième opus. La franchise se retrouve sans pilote et Sony doit contractuellement sortir en salles un film mettant en scène Spider-Man avant 2013, à moins d’en perdre les droits qui reviendraient à Disney, propriétaire de l’intégralité du catalogue Marvel depuis 2009.

Plutôt que de donner une suite à la Trilogie de Sam Raimi, Sony décide de rebooter la franchise, misant sur la courte mémoire des spectateurs mais au risque de se mettre à dos les fan-boys du monde entier. Par souci d’économie du projet, le studio embauche les moins coûteux Marc Webb à la réalisation – qui n’a que (500) jours ensemble à son actif – et Andrew Garfield, que l’on a vu dans The Social Network, pour jouer Peter Parker. Nous étions donc prêts à tomber à bras raccourcis sur ce nouveau Spider-Man. Nous en attendions le pire, malgré notre sympathie a priori pour le réalisateur – dont le premier film faisait la preuve de belles capacités de mise en scène, de direction d’acteurs et de finesse d’observation qui le situait au-dessus de la moyenne des comédies romantiques – et pour le jeune acteur découvert dans le film de David Fincher. C’est dire notre surprise face à The amazing Spider-Man qui, s’il ne rend jamais obsolète les films de Sam Raimi, déjoue tous nous pronostics et n’est pas l’objet cynique que l’on redoutait.

Si la trilogie de Sam Raimi misait sur une réalisation proche de la dynamique du comics, et faisait du parcours du super-héros une allégorie quasi christique post 11 septembre, le reboot prend une toute autre direction, plus dark et teenage, en conservant les arcs narratifs principaux déjà familiers aux spectateurs. On retrouve donc toutes les figures obligées du récit : la piqure de l’araignée, l’histoire d’amour contrariée, la mort de l’oncle Ben, la découverte des super-pouvoirs et les responsabilités qui y sont associés. Marc Webb maîtrise parfaitement les scènes intimistes, l’idylle adolescente et les relations familiales. A tel point qu’il retarde les scènes spectaculaires attendues pour poser sa narration et caractériser les personnages comme il se doit. Andrew Garfield est très convaincant en Peter Parker, plus proche du geek en skate que de la caricature à lunette et sourire niais qu’en avait fait Tobey Maguire. L’approche est plus réaliste que celle de Sam Raimi, Peter Parker tombe souvent le masque, transporte son sac à dos et ne quitte pas son téléphone mobile alors qu’il revêt le costume de Spider-man.

Ce point de vue à hauteur d’ado, cette normalité revendiquée des situations et des affects ne permet pas au film d’accéder à un discours sur la mythologie du super-héros comme le faisait Sam Raimi. Mais rappelons pour être parfaitement justes et honnêtes que cette notion n’était véritablement atteinte par ce dernier que dans le second volet de la trilogie, à la faveur de la sublime séquence du métro, où la solidarité de la population se manifestait en prenant en charge la figure déchue d’un Spider-Man littéralement crucifié, les bras en croix. Si Marc Webb essaie une équivalence à cette scène dans The Amazing Spider-man, la tentative est maladroite et échoue à émouvoir. Il faudra sans doute attendre la suite pour élargir le propos, et apporter des réponses à ce qui nous était vendu d’un point de vue marketing comme « the untold story » : l’énigme des parents de Peter Parker, volontairement laissée hors champs jusqu’à un épilogue assez malhonnête. Plus gênante encore est l’incapacité du metteur en scène à prendre en charge les scènes d’action, sans cesse différées, d’affrontements entre Spider-Man et le Lézard. Déficit de souffle épique, notions de mouvement (les déplacements de l’homme-araignée entre les buildings) calquées sur Sam Raimi, plans subjectifs qui relèvent davantage du gadget que d’une réelle nouveauté, Marc Webb n’est décidemment pas très à l’aise avec la notion de grand spectacle. Si son dernier acte s’en trouve ainsi amoindri, on ne peut nier la volonté de faire d’une démarche strictement mercantile un véritable divertissement très loin d’être honteux.

Note: ★★★½☆

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