LE FILM

A priori, Louise Wimmer avait tout du projet casse-gueule : alibi social, esthétique semi-documentaire, performance d’actrice qu’il faut saluer comme il se doit à moins d’être soupçonné de mauvaise foi… Un film pour lecteurs de Télérama et spectateurs des réseaux Utopia, en quelque sorte. Pourtant, très vite, Louise Wimmer déjoue tous ces pronostics – nul pathos que laissait craindre le sujet, point de caméra à l’épaule comme moyen commode de signifier le réalisme du projet – et fabrique sa propre matière de cinéma qui ne se situe pas forcément là où on l’attendait, mais plutôt du côté du film noir et du survival que de celui de Ken Loach et des frères Dardenne.

Le film fonctionne comme une sorte de manuel de survie où chaque geste de la vie quotidienne est une forme de combat en soi : comment dormir, se laver, manger, échanger de la monnaie, mettre de l’essence dans sa voiture quand on n’a pas de chez soi ? (LIRE LA SUITE)

LE DVD

Une chose est certaine : Blaq Out a mis les petits plats dans les grands pour la sortie du premier long métrage de Cyril Mennegun. Deux disques dans un joli digipack, l’un contenant le film dans un transfert qui rend justice à sa nature quasi documentaire et photographique, le deuxième où sont inclus tous les suppléments. Outre une interview du réalisateur et un entretien croisé entre celui-ci et son actrice, le plat de résistance de ces bonus est la présence des deux premiers documentaires de Cyril Mennegun. Tahar l’étudiant suit l’année d’études d’un jeune en fac de sciences humaines, option sociologie à Montpellier. C’est un beau témoignage de la réalité universitaire aujourd’hui, entre les passages obligés au Secours Catholique pour obtenir des colis alimentaires, la recherche de petits boulots, les amitiés, la peur de l’avenir, la famille, les questions du choix et de l’orientation. Le film serait sans doute plus anecdotique si le personnage principal n’était autre que Tahar Rahim, devenu célèbre pour son interprétation dans Un Prophète, de Jacques Audiard. Il faut le voir en entretien d’embauche, défendre sa candidature pour un poste d’agent de sécurité, pour se convaincre de son magnétisme, de son charisme inné et de son pouvoir de conviction. Le journal de Dominique est le portrait croisé de la concierge d’une barre HLM de la cité de Belfort avec ses habitants, dont elle recueille les témoignages pour en tirer des textes poétiques et réalistes. « Nous sommes les habitants sensibles d’une cité sensible », écrit-elle. Nous rencontrons donc Sehmi, petit gamin des banlieues au visage poupon qui joue tout seul au basket avec un ballon de foot parce que les grands tirent trop fort. Doudou est le fils d’un tirailleur sénégalais qui pleure sa solitude dans l’anonymat de son logement. Florence est une enfant de la DASS « élevée au yaourt ». Colette parle de sa plus belle histoire d’amour et Olivier de son ange gardien, sa maman décédée qui s’incarne « en toute chose, dans un verre, un chat… ». Tous ces témoignages sont à la fois drôles et émouvants, voire bouleversants de vérité. Dominique permet la circulation de la parole, elle est la scribe de ces histoires de vie, elle témoigne de la solitude de ces gens abîmés par l’existence. Plus qu’un simple supplément, Le journal de Dominique justifie à lui seul l’achat du dvd et anticipe le cinéma de Cyril Mennegun, son amour des petits gens. Des belles gens.

Louise Wimmer, disponible en double dvd (Blaq Out)

Note: ★★★½☆

Galerie de captures d’écrans (cliquer pour agrandir)

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