Si le box-office français a été plutôt morose en 2013 – pas de film à plus de 5 millions d’entrées -, l’année n’en a pas pour le moins été exceptionnelle qualitativement, avec de grands films qui resteront durablement dans les mémoires. L’exercice des Tops a été parfois douloureux, devant arbitrer des noms prestigieux (Tarantino, Del Toro, Bigelow) qui n’ont pas déçu. Il est temps maintenant de nous projeter dans 2014 en essayant de hiérarchiser nos attentes pour les mois à venir. Non pas une énumération chronologique à la Prévert qui sera trop fastidieuse, mais un état des lieux des films que nous attendons de pied ferme, dont nous guettons la moindre info, photo et bande-annonce avant leurs sorties, parfois lointaines. C’est parti pour ce tour d’horizon select et partial.
L’Animation
Commençons avec le cinéma animé, car parmi les films que nous attendons le plus est celui de Hayao Miyazaki, le dernier du Maître japonais qui a annoncé sa retraite. Le vent se lève sortira le 22 janvier et s’annonce d’emblée comme un grand cru du réalisateur de Princesse Mononoké et de Mon voisin Totoro. Inspiré de la vie de l’ingénieur aéronautique Giovanni Caproni, le film se situe dans la veine réaliste du metteur en scène, qui évoque l’épisode douloureux de la seconde guerre mondiale. Si le trailer est ponctuellement plutôt violent pour un dessin animé, il laisse aussi augurer de visions poétiques, d’humanité et de grands sentiments. L’émotion sera sans doute au rendez-vous. Le deuxième film des studios Ghibli sera le premier d’Isao Takahata depuis Mes voisins les Yamadas, en 1999. L’histoire de la princesse Kaguya est sorti en salles au Japon en novembre dernier et a été accueilli très favorablement par la critique et le public. Il faut dire que les six minutes d’images que nous avons pu déjà voir dans la bande-annonce – l’animation est tout simplement somptueuse, tout en crayonnés colorés – permettent d’attendre en toute confiance ce qui pourrait être un nouveau chef d’œuvre des studios. Enfin, le réalisateur du Petit monde d’Arietty fera aussi son retour en 2014 avec Souvenirs de Marnie, adapté du roman de Joan G. Robinson qui figure parmi les 50 livres pour enfants recommandé par Miyazaki.
Changeons de continent avec deux suites également attendues : Dragons 2 et L’île des Miam-nimaux : Tempête de boulettes géantes 2. Nous avions aimé les premières aventures du jeune Viking Harold et de l’inventeur maladroit Flint Lockwood, on peut raisonnablement être optimistes pour ces deux-là. Pas de Pixar en revanche cette année, The good dinosaur, initialement prévu pour une sortie en France à l’été 2014, est repoussé à novembre 2015 et Le monde de Dory (la suite de Nemo), en juin 2016. Ces retards augurent d’une atmosphère de crise dans le studio, le réalisateur du premier, Bob Peterson ayant été débarqué en cours de production. Il faut dire que depuis Toy Story 3, rien de très bon ne nous est parvenu de Pixar, qui se repose sur des franchises à succès en leur donnant des suites médiocres (Cars 2, Monstres Academy) de sinistre mémoire. Si bien que les branches animation de Sony, Dreamworks ou la Fox concurrencent de plus en plus régulièrement l’hégémonie technique et artistique du studio d’où sont pourtant sortis quelques chefs d’œuvre comme Wall E, Ratatouille ou Les indestructibles.
En France
Lorsqu’on observe que le film français à avoir fait le plus d’entrées en 2013 est Les profs, il y a de quoi se taper la tête contre les murs et ne plus rien espérer de notre production nationale. Heureusement, des titres comme L’inconnu du Lac, La vie d’Adèle ou Les garçons et Guillaume à table ! autorisent davantage d’optimisme. Que faut-il attendre pour 2014 ? Visiblement pas grand-chose de Christophe Gans, dont la version de La belle et la bête s’annonce d’ores et déjà comme un ratage complet, aussi bien d’un point de vue esthétique (Dieu que le production design est laid !) que de la direction d’acteur (Vincent Cassel et Léa Seydoux prononcent leur texte comme si on leur soufflait les dialogues hors champ – calamiteux !). Il faudrait que notre Monsieur Cinéma National, qui sait si bien délivrer sa science et donner son opinion sur tout, réalise enfin un film qui le rende crédible. Car cette Belle et la Bête là a pour le moment tout pour devenir le futur prime-time de Gulli plutôt qu’un nouveau classique du cinéma hexagonal. Jean Cocteau peut reposer en paix.
Mia Hansen Love est l’auteure d’une filmographie sans aucune faute de goût, ambitieuse, personnelle et passionnée. La réalisatrice qui avait beaucoup séduit avec Un amour de jeunesse, sera certainement de retour à temps pour Cannes avec Eden, un film qui raconte l’histoire de Paul – inspiré de son propre frère, Sven – un DJ du début des années 90 à nos jours. Avec en toile de fond, l’explosion des musiques électroniques, la french touch et les soirées parisiennes… Si l’idée d’un film en deux parties a été abandonnée en cours de production, on n’ose pas imaginer une Mia Hansen Love faire des compromis. Preuve en est de sa motivation, un début de tournage à New York en mode commando à la rentrée 2013, qui s’est poursuivi en novembre dernier à Paris. Dans la distribution, on retrouvera Greta Frances Ha Gerwig et la bande originale devrait faire trembler le dance floor, entre Daft Punk et Cassius. Autre réalisatrice de talent, mais hélas trop rare, Pascale Ferran, dont le nouveau film Bird people se fait attendre, mais devrait sortir en salles cette année. Il s’agit d’une tentative de description de notre société à travers le décor d’une zone aéroportuaire. On en espère beaucoup, car Lady Chatterley, qui date de 2006, avait logiquement reçu cinq César et définitivement installé la réalisatrice parmi les grands noms du cinéma français. Enfin, parmi la délégation française qu’il faudra scruter dans les prochains mois, Saint Laurent, le nouveau film de Bertrand Bonello dont L’apollonide – Souvenirs de la maison close était injustement reparti bredouille de Cannes en 2011. Ce sera le deuxième biopic consacré au célèbre styliste après celui de Jalil Lesper et le célèbre couturier sera interprété par Gaspard Ulliel. Le tournage du film de Bonello a été repoussé de plusieurs mois pour éviter une concurrence à La guerre des boutons et n’a pas obtenu le support de Pierre Bergé, compagnon d’YSL pendant 50 ans. On attend pourtant davantage de ce film-ci que de l’autre.
Une année de science-fiction (bis)
On nous promettait une année 2013 sous le signe de la science-fiction et ce fut le cas, notamment avec Gravity qui a changé notre rapport au genre de la même façon que le faisait Kubrick en 69 avec 2001 : l’odyssée de l’espace. Cette année, le dernier film de Christopher Nolan pourrait poser un nouveau jalon avec Interstellar. Le script a l’air a priori ambitieux – se basant sur des théories scientifiques développées par l’astrophysicien Kip S. Thorne et impliquant le voyage dans le temps et des dimensions parallèles -, l’histoire est celle d’un groupe d’explorateurs voyageant à travers un vortex. Dit comme cela, le projet a l’air séduisant, mais notre tendance naturelle serait plutôt de nous méfier de concepts qui pourraient très vite devenir fumeux dans les mains du réalisateur de Inception. Le premier teaser, énigmatique, ne nous permet pas de nous faire une idée suffisante pour trancher notre avis. Nolan toujours, qui produit Transcendence, le premier long-métrage de son directeur de la photographie sur Dark Knight et sur The prestige, Wally Pfister. Johnny Depp y tient le rôle d’un chercheur qui conçoit un programme informatique développant une conscience, tandis qu’une organisation anti-technologique se bat pour l’empêcher de créer un monde où les ordinateurs pourraient transcender les capacités du cerveau humain. Le premier trailer, plutôt dans la veine du techno-thriller que de la science-fiction pure, est assez prometteur.
Après Oblivion – qui n’avait pas convaincu – Tom Cruise revient encore à la science-fiction avec Edge of tomorrow. Adapté du manga All you need is kill, d’Hiroshi Sakurazaka, le film se situe dans un futur proche. Des hordes d’extra-terrestres ont livré une bataille acharnée contre la terre et semblent désormais invincibles. L’acteur joue le commandant William Cage, qui est envoyé dans une mission suicide contre les aliens. Il meurt en l’espace de quelques minutes et se retrouve projeté dans une boucle temporelle, condamné à revivre le même combat et à mourir de nouveau indéfiniment. Mais à chaque salve, il gagne en force et en agilité pour affronter ses adversaires et découvre au côté de Rita Vrataski, agent des forces spéciales, le moyen d’anéantir les envahisseurs. La bande-annonce est très spectaculaire, oscillant entre l’action pure et un côté mental et nostalgique. Enfin, après les kaijus de Guillermo del Toro en 2013, il faudra compter sur le retour d’un des monstres les plus célèbres du cinéma japonais. Godzilla est le nouveau film de Gareth Edward, dont nous n’avions pas beaucoup aimé Monsters, très roublard et dépourvu de la moindre direction d’acteur. Il se pourrait bien qu’il nous surprenne cette fois-ci, car les premières images de Godzilla ont beaucoup impressionné et augurent d’un blockbuster pour le moins spectaculaire, mais qui aura la lourde tâche de venir après Pacific Rim.
[À SUIVRE]